mère du doute, les dogmes et chaque précepte de l’Église. Qui se séparait de la société religieuse était retranché de la société humaine. Jamais la crainte d’attenter par la force à la conscience ne faisait trembler le fer dans la main de l’État. L’incrédule avait pour juge la foi générale. Pour cette foi qu’était-il ? Une volonté rebelle à son créateur. L’homme ne saurait prétendre à la liberté contre Dieu. Le droit n’appartenait pas à l’individu de choisir l’erreur et de la répandre : le droit appartenait à la société de défendre ses croyances nécessaires, d’empêcher qu’un Samson aveugle ébranlât les colonnes du temple.
Où la loi humaine veut obéir à la loi divine, le pouvoir politique tend à devenir le serviteur du pouvoir religieux. Chef de l’Église, le pape se trouvait l’inspirateur, le juge, par suite le maître des rois. Plus d’une fois, le pape enleva à ses « évêques du dehors » leur couronne ; c’était la sanction suprême qui assurait la durée et l’orthodoxie de l’État chrétien. Dans les siècles de foi profonde et de gouvernemens barbares, cette tutelle fut chère aux peuples. Elle devint lourde aux princes à mesure que le développement naturel d’une civilisation, où ils s’habituaient à voir surtout leur œuvre, accroissait en eux la religion de leur grandeur : l’organisation même de cette société leur fournit un prétexte d’affranchissement. Comme nulle volonté de l’Église ne pouvait être reconnue pour telle sans être consacrée par les faveurs et les contraintes de la force publique, ils conclurent à leur droit de ne pas mettre sans examen leurs lois, leurs juges et leurs bourreaux au service d’une puissance étrangère. Attendant à leurs frontières la volonté du pape, ils la saisirent au passage, pesèrent ses conséquences pour leur propre autorité, et, quand ils l’estimaient dangereuse, refusèrent de la « recevoir ». Le terme était exact à une époque où l’état des mœurs et des communications permettait que le prince interdit ses États aux idées. Ces nouveautés s’appelèrent « libertés gallicanes ». Non que la France ait eu le peu enviable honneur des premiers démêlés avec le catholicisme. Avant elle, les Césars demeurés, même depuis leur conversion, païens par leur idolâtrie de leur omnipotence ; puis les barbares, enfans victorieux de la vieillesse romaine, et tantôt soumis, tantôt rebelles à leur éducatrice l’Église ; puis les souverains germaniques, fiers d’avoir relevé le titre et obstinés à rétablir les prérogatives des empereurs, s’étaient souvent heurtés contre le Saint-Siège. Mais leurs prétentions, soudaines comme des colères