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REVUE DRAMATIQUE

Le théâtre d’Henry Meilhac. — À la Comédie-Française : La Vassale, pièce en quatre actes, de M. Jules Case.

Henry Meilhac est mort. On ne le verra plus dans les deux ou trois restaurans où il avait ses habitudes depuis quarante années ; ni au Cirque, ni aux Folies-Bergère, où il venait pour rêver commodément. À quoi ? Au petit monde fragile et chatoyant qu’il portait partout avec lui dans sa tête ronde d’ironique et taciturne Bouddha. Car ce Parisien, qui ne pouvait se passer de Paris ou, pour mieux dire, d’un certain coin de Paris (quelques centaines de mètres de ses trottoirs, pas plus), a mené en réalité une vie, non pas aussi austère, mais aussi retirée, aussi méditative, aussi close à ce qui n’était point son œuvre, aussi résolument spéciale que celle d’un ascète, d’un vieil épigraphiste, ou d’un moine de l’Institut Pasteur.

C’est pour cela, et parce qu’il avait, à sa manière, du génie, que son théâtre demeurera, je crois, un des plus originaux de ce temps. On y trouvera, plus exactement et plus agréablement qu’ailleurs, les mœurs et comportemens, les tics, le langage et le tour d’esprit des personnes frivoles et élégantes du second Empire et du commencement de la troisième République. Or, comme tout se tient, il n’est pas indifférent de savoir de quel air s’amusaient ceux qui passaient pour s’amuser ni ce qu’était la femme oisive, la femme de luxe, dame ou fille, aux diverses époques de l’histoire de la civilisation. C’est un intérêt de ce genre qui recommande, encore aujourd’hui, et les comédies de Dancourt et celles de Marivaux.

Le théâtre de Meilhac est un théâtre sans prétention, sans thèses,