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la substance s’en est enrichie d’élémens féconds ; que le génie de la France a enfin peut-être pris cette tendance humanitaire, cette préoccupation des causes d’intérêt universel, qui sont devenues un des traits distinctifs de notre caractère national.

Il serait bon de reprendre cette tradition et, au lieu de hérisser d’obstacles l’entrée de nos Universités, d’en ouvrir largement les portes. Mais, il y a plus, nos étudians à leur tour auraient profit, pendant la préparation de leur licence, à aller passer un semestre ou deux en Écosse. Outre les connaissances qu’ils acquerraient à l’école de maîtres comme ceux que nous avons cités, ils prendraient, chez leurs camarades de là-bas, des habitudes d’initiative, d’observation méthodique, de discipline morale, de respect pour la religion (self-control), que les jeunes Écossais possèdent à un degré supérieur et qui ne seraient pas inutiles à notre jeunesse.

Enfin et surtout, nous avons à cela un intérêt politique. La France, pour toute sorte de raisons, a besoin de se refaire une clientèle, — non pas artistique, grâce à la supériorité de nos peintres et sculpteurs, elle ne l’a jamais perdue, — mais littéraire et scientifique. Il importe à son rôle dans le monde des écrivains et des savans, à son rang dans la sphère de l’intelligence, comme disent les Russes, qu’elle contribue à l’éducation de la jeunesse studieuse des pays amis et surtout des pays où l’élément celtique est encore agissant au fond de l’âme de la nation. À tous ces points de vue, il est désirable que nous resserrions les liens scolaires avec les Universités de l’Écosse, notre plus ancienne alliée en Europe, et avec celles d’Amérique. Agir dans ce sens, ce ne sera pas seulement reprendre une vieille tradition française, ce sera préparer à la France un avenir de grandeur intellectuelle et contribuer au progrès de la civilisation.

G. Bonet-Maury.