Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 142.djvu/664

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
658
REVUE DES DEUX MONDES.

Les étudians écossais venaient en foule aux Universités de Bordeaux, de Poitiers, de Paris. Dans cette dernière, le collège doté par Marie Stuart et Jacques Beaton, archevêque de Glasgow, leur offrait un logis confortable et plusieurs bourses[1]. Ils faisaient d’ailleurs bonne figure parmi les étudians des autres nations, et voici le témoignage que leur rendait Estienne Perlin à la fin du XVIe siècle : « Les Écossais qui se mettent à étudier, deviennent volontiers bons philosophes et bons artiens, et en ay congneu autrefois à Paris deux docteurs en théologie des plus savans qu’on peut voir et principalement en philosophie, qui tenoyent les livres d’Aristote sur le doigt, et s’appeloit l’un notre maître Simon Saneson, demeurant au collège de Sorbonne et l’autre M. Cranston, qui avait été recteur et lesquels deux sont pour le jour d’aujourd’hui évesques en Écosse et en grand crédit d’honneur et augmentent et amplifient le Royaume de leur honneur et vertu[2]. » Les Écossais n’étaient pas moins renommés pour leur talent littéraire que pour leur bravoure, tous les collèges tenaient à avoir un maître de grec ou de philosophie de cette nation.

La tradition était si bien établie, qu’elle ne fut même pas interrompue par les événemens qui jetèrent l’Écosse dans le camp protestant et firent monter sur le trône d’Angleterre un roi écossais. La France donna asile à une foule de réfugiés catholiques venus de ce pays. Le cardinal du Perron trouva, dit-on, à lui seul place dans les écoles de notre pays pour un plus grand nombre d’Écossais lettrés que n’en avaient réunis toutes les écoles et universités de l’Écosse.

Mais l’accession de l’Écosse à l’Angleterre ne rompit pas tous les liens avec la France ; ces liens furent resserrés avec les protestans de notre pays, car les collèges et académies fondés par les protestans appelèrent à l’envi des maîtres écossais dont plusieurs ont laissé un nom dans l’histoire de la théologie ou de la médecine. Il vaut la peine de citer Marc Duncan, médecin à Saumur ; André Melvil, professeur à Sedan ; et surtout John Cameron, professeur à Saumur et à Montauban, qui fut le maître d’Amyraut, de Laplace et de Cappel et atténua les angles de la doctrine calviniste.

  1. Le collège des Écossais, fondé en 1325 par David évêque de Moray, fut reconstruit par R. Barelay, principal, rue des Fossés-Saint-Victor (1639). La chapelle, achevée seulement en 1672, existe encore dans l’institution Chevalier, actuellement rue du Cardinal-Lemoine.
  2. Estienne Perlin, Description des royaumes d’Écosse et d’Angleterre ; Paris, 1558, in-8o.