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MÉDECIN DE CAMPAGNE…

— Moi ?… Mais… mais je ne connais pas d’autre remède… Je vous assure, madame… C’est très connu, les réfrigérans ont pour objet d’abaisser la température… Il y a urgence à le refroidir, votre mari, savez-vous bien qu’il a 40° passés… Au-dessus de 40° le sang se décompose.

Mais elle secouait toujours la tête sans écouter. Alors Valadier, sa brutalité reprenant le dessus : « Au surplus, moi, je m’en moque, après tout ; si ça ne vous va pas, soignez-le vous-même, — ou envoyez chercher un autre médecin !

— À cette heure-ci, à la distance où est le plus proche, est-ce possible ?… Oh ! monsieur Valadier, pardonnez-moi, mais… Ça m’épouvante de le mettre, de le plonger, comme ça, dans l’eau froide… Du reste… quand même… je n’ai pas de baignoire.

— Il y en a deux à l’hôpital.

Mme Palfrène reprit après un silence :

— Voyons, avouez-le, est-ce que lui, mon mari, aurait fait ça à un malade dans sa position ?

— Lui ? répliqua Valadier bourru, il l’aurait peut-être traité à la pâte de guimauve… ou bien… saigné !

— Saigné !… Pourquoi pas, puisque c’est une congestion ? Regardez comme il est rouge.

D’un ton rogne il répondit :

— Pourquoi pas ? Parce qu’on ne saigne plus ; la saignée — c’est démontré — faisant plus de mal que de bien ; elle ne diminue un instant la fièvre, que pour, ensuite, laisser le corps sans défense, sans ressources ; le sang, c’est la vie même.

— Pourtant, mon mari saigne souvent, et c’est un aussi…

—… Bon médecin que moi ? ricana Valadier. Possible, madame, mais d’une autre école.

— Ce qui est vieux, monsieur, n’est pas toujours mauvais.

— Ce qui est neuf non plus.

Mme Palfrène regardait par terre, très perplexe. À la fin, prenant un grand parti ; « Selon vous, alors, mon pauvre mari serait… condamné, n’est-ce pas ?

— Ma foi… Je le trouve très mal… très mal.

— Eh bien, puisque c’est ça, saignez-le. Je vous en prie… Il sera moins brûlant.

— Moi ?… Jamais… Oh ! non. Il n’a pas de sang à perdre.

Elle eut un geste d’exaspération et se prit la tête à deux mains, puis tout à coup : « Alors je vais le faire, moi ; je sais