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destiné à remplacer le cardinal Ledochowski au siège de Posen.

Le projet de loi sur l’éducation du clergé était loin d’offrir les garanties que réclamait l’Encyclique Jampridem pour l’indépendance doctrinale de l’Eglise : l’État se réservait en effet le droit de haute surveillance sur les établissemens qu’il s’agissait d’installer à côté des Universités, à l’usage spécial et exclusif des jeunes clercs. En quoi consisterait cette surveillance ? Dans quelles limites et sur quelles matières s’exercerait-elle ?

Quant au choix du successeur du cardinal Ledochowski à Posen, le Saint-Siège avait poussé l’esprit de condescendance jusqu’au sacrifice, en nommant, pour recueillir ce gros héritage, un ecclésiastique, persona grata à Berlin, Mgr Dinder, curé de Kœnigsberg, qui avait été naguère aumônier militaire au 1er corps d’armée où se trouvaient les troupes prussiennes de langue polonaise. Trois années durant, le Pape avait répondu aux obsessions du gouvernement prussien, qu’il était impossible de donner au cardinal Ledochowski un successeur qui ne fût pas de race polonaise. Il y avait eu des engagemens pris en ce sens vis-à-vis d’une députation venue de Posen à Rome pour supplier Léon XIII de ne jamais céder sur ce point. Ces engagemens avaient même été portés, paraît-il, à la connaissance de M. Windthorst à Berlin. Afin d’y rester fidèle, le Pape avait cherché par tous les moyens à découvrir des prêtres qui, tout en étant d’origine polonaise, pourraient être agréés. Mais à Berlin on avait été inflexible, et on avait repoussé successivement treize candidats proposés par Rome. Le choix de Mgr Dinder devait donc être considéré comme un véritable succès pour la diplomatie prussienne.

Mais les fidèles du diocèse de Posen allaient-ils tenir compte des motifs qui avaient déterminé le Vatican à céder ? Et le successeur du cardinal Ledochowski ne serait-il pas exposé à l’odium populi ? Il y avait lieu de le craindre, et cela ne pouvait qu’obliger le Saint-Siège à ne pas montrer, en ce qui regardait le projet de loi sur l’éducation du clergé et le ministère pastoral, les condescendances qui répondaient aux désirs intimes du Pape, mais auxquelles Sa Sainteté ne pouvait s’abandonner en présence des nombreuses objections qu’élevaient contre un excès de confiance les membres les plus expérimentés du Sacré-Collège, tels que les cardinaux Bartolini, Franzelin, Monaco la Valletta. En Prusse, plusieurs évêques jugeaient illusoires et même dangereuses les prétendues garanties offertes par le gouvernement royal pour