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REVUE DES DEUX MONDES.

— Oh ! merci, monsieur Galder, répondait le jeune homme tout confus.

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— Oui, je vous engage à aller voir ça demain, mon ami. C’est en plein pays de Caux, sur ce haut plateau un peu nu, mais si fertile !… Un canton mi-agricole, mi industriel ; le bourg assez riche, beaucoup de familles bourgeoises. Le paysan y est de belle humeur, amusant. Ce sont des gens comme les peint notre ami Maupassant, des lurons à la gaieté violente, une race qui a besoin de lâcher par à-coups son énergie au dehors… Mais vous êtes des Flandres, vous, mon cher garçon, du gai pays des kermesses.

— Non, monsieur Galder, je suis des Ardennes.

— Ah ! Et votre père, qu’est-ce qu’il faisait ?

— Lieutenant de douanes.

— Vous a-t-il laissé quelque bien ?

— Pas grand’chose, une maison à Rethel qui est assez gentiment louée ; bon an mal an, elle rapporte dans les dix-huit cents, mais elle est indivise avec ma sœur.

— Ah ! vous avez une sœur ? Mariée ?…

— Oui, monsieur, elle a épousé un bonnetier de Charleville.

— Qui s’appelle ?

— Tournaire.

—… Et sans doute les Tournaire réussissent ? Ils pourront vous aider ?

— Ça, je ne sais pas trop…

— Bah ! marchez toujours ! vous avez si peu à payer comptant. D’ailleurs, moi je vous épaulerai au besoin… Le jour où, à une veille d’échéance, vous vous verriez un peu court, venez me voir… Du reste, avant deux ans, vous serez marié. Je connais des héritières par là-bas, des filles riches, votre affaire !

— Croyez-vous, monsieur Galder ?

— Mais, mon cher garçon, quand vous n’auriez que votre jeunesse, votre belle santé, votre titre de docteur, votre ardeur au travail ? D’ailleurs, pourquoi gagneriez-vous moins que Laffitte ? Entre nous, le bonhomme n’était pas un aigle. S’il a réussi, c’est qu’il n’avait en face de lui que…

— Je ne le connais pas du tout, l’autre médecin.

— Parbleu, Palfrène n’exerce pour ainsi dire pas, — de sorte que, comme concurrent, vous n’avez guère à en tenir compte.

— Bah ! vraiment ?