Valadier, un peu honteux de son inutile emportement de tout à l’heure, intervint :
— Ce n’est pas la peine, j’ai une place à vous offrir.
— Merci, mon ami, mais c’est que je ne rentre pas directement à Sainte-Marie…
— À cette heure-ci ?… il est cinq heures et demie.
— J’ai quelqu’un à voir… en route.
— Eh bien, ça ne fait rien, je vous arrêterai où il faudra.
Palfrène eut un plissement de bouche singulier :
— Trop aimable, mais… il ne s’agirait pas seulement de s’arrêter, il y aurait un long crochet à faire.
Alors Valadier inquiet : — Où est-ce ?
— À Preneuse.
— Au manoir de Preneuse ?
— Oui.
— Mais… Mais… c’est moi le médecin du manoir ! J’ai encore été appelé il y a quinze jours chez Mme Charry.
Tranquillement, Palfrène repartit : « Je ne vous dis pas non. Seulement aujourd’hui, mandé par Mme Charry, je me rends à mon tour chez elle… Je ne sais du reste pas pourquoi. »
Valadier était blême, sa bouche se gonflait :
— Consolez-vous, mon bon ami, peut-être veut-elle me demander conseil pour l’élevage de son bétail. Vous savez, je suis moitié médecin, moitié agriculteur. » Palfrène s’emmitoufla dans son cache-nez, releva le col de son manteau, se plaignit encore une fois de ses reins, et d’une satanée migraine qui commençait à lui pincer les tempes. « Tiens !… fit-il en se retournant, et n’apercevant plus son confrère : Valadier a déjà filé… Eh bien ! il n’est pas toujours poli… Enfin !… le pauvre diable, ce n’est pas ma faute si tous ses bons cliens le lâchent… Au plaisir, madame Landemare. Bien le bonjour à vos parens quand vous les verrez, et à vos nièces aussi. Ça doit faire maintenant de beaux brins de filles… pour peu qu’elles ressemblent à leur tante. — Toujours galant, monsieur Palfrène, fit la maîtresse qui se ranimait un peu et souriait. — Ah ! je l’ai été plus que ça dans le temps, allez… Et je regrette ce temps-là. — On ne peut pas être et avoir été, monsieur Palfrène… Portez-vous bien, prenez garde d’attraper froid… Allons, n’est-ce pas, vous reviendrez voir mon malade.