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Médecin de campagne…

C’était l’hiver, un hiver maussade. Par rafales tombait, presque sans répit depuis deux semaines, une pluie mêlée de neige. Aussi les routes étaient-elles très tirantes, et, dans les ornières pleines d’eau, le cabriolet du médecin allait, durement cahoté.

Déjà la journée s’avançait. À l’horizon, du côté du couchant, par-dessus la ligne morne de grands bois lointains, apparaissait au ciel comme une trouée pourpre, tandis que, dans les fonds de la vallée, tout brouillés de la buée qui se levait des prairies, quelques feux s’allumaient,

M. Valadier, l’un des deux médecins de Sainte-Marie-du-Bosc, le successeur de M. Laffitte, descendait au pas de son cheval la route qui, serpentant à flanc de coteau, mène d’Auffray à Sainte-Marie. Avant un quart d’heure il serait chez lui ; alors, il se mit à récapituler sa journée.


Sa journée !… Pas meilleure que les autres, au contraire !

Dès cinq heures, alors que les rouliers de l’auberge, en face, dormaient encore, il lui a fallu se lever. Des gens étaient là, venus le « quéri » pour aller tout de suite à la Poterie voir une femme en mal d’enfant. — C’est bon, je m’habille !… J’y serai dans une petite heure. — Bien merci, m’sieu le docteur ; on va vous espérer, mais pressez, car elle est bien malade. »

Parbleu… À la Poterie, des tisserands, — le plus misérable corps d’état qui soit, — pour qu’on demande le médecin il faut que ce soit déjà trop tard.