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LES
TRANSFORMATIONS SOCIALES
DE LA
RUSSIE CONTEMPORAINE


I

Des peuples de même race et de même religion, parvenus à un degré analogue de développement économique, peuvent-ils nous présenter des types de sociétés radicalement différens ? En d’autres termes, la structure sociale des nations n’est-elle pas dans une dépendance forcée de leur développement économique ? Un État, comme la Russie, qui prétend s’approprier, avec les sciences et les inventions de l’Occident, ses industries et ses machines, peut-il le faire sans modifier profondément ses conditions sociales, partant sans se rapprocher, bon gré mal gré, des sociétés occidentales ? Cette question, que nous suggèrent, aujourd’hui, la Russie et le Slave chrétien, il faudra bientôt l’étendre à des peuples d’un autre sang et d’une autre culture ; car, au siècle qui vient, elle se posera pour l’homme jaune, comme pour l’homme blanc, demain pour le Japonais, un jour prochain peut-être pour le Chinois.

Les slavophiles russes et, à l’autre pôle de la pensée moscovite, certains démocrates nous ont répété, durant un demi-siècle, que la Russie possédait, dans ses traditions populaires et ses institutions anciennes, spécialement dans son mir et ses communautés de village, les élémens d’une société et d’une culture supérieures à la culture et aux sociétés occidentales. Quelques-uns ont même osé nous présenter le mir et le collectivisme agraire