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été autrefois très dévoué à M. de Bismarck ; il l’avait été depuis à M. de Caprivi ; il l’avait été ensuite au prince de Hohenlohe, et il ne l’aurait pas été moins à un autre chancelier. On s’accorde à lui reconnaître les mérites du fonctionnaire idéal. Pourquoi donc est-il remercié ? Est-ce parce que le parti bismarckien ne lui avait jamais pardonné ce qu’il appelait une trahison, et qu’on a voulu donner à ce parti un gage de complaisance ? Est-ce parce qu’il ne s’était pas montré de taille à soutenir au Reichstag les assauts des orateurs de l’opposition, et en particulier de M. Richter ? Il a été appelé à un autre poste et remplacé. Mais, bien que sa succession ne fût pas précisément celle d’Alexandre, elle a été coupée en deux dans des conditions assez bizarres, puisqu’on en a donné une partie à M. le comte de Posadowsky et une autre à M. de Miquel. M. de Posadowsky, actuellement secrétaire d’État à la trésorerie impériale, devient ministre de l’intérieur, ou, pour employer les termes du protocole, secrétaire d’Etat à l’office impérial de l’intérieur. A la vice-présidence du ministère prussien est nommé M. de Miquel, qui a pu un moment espérer beaucoup mieux, et qui n’a pas encore lieu d’en désespérer.

L’opinion allemande est un peu troublée en présence de tous ces changemens, et l’opinion européenne cherche quelquefois, sans trop y parvenir, à en deviner le sens véritable. Lord Salisbury, dans un discours récent, a laissé échapper une de ces boutades dont il est coutumier, et qui aura sans doute été plus agréable à Friedrichsruhe qu’à Berlin.

Nous ne parlerons pas aujourd’hui des affaires d’Orient, sinon pour dire, ce qu’on voit de reste, qu’elles marchent avec une lenteur de plus en plus regrettable. Tout paraissait en bonne voie il y a quinze jours ; tout est encore en suspens aujourd’hui. Le sultan a opposé, paraît-il, des résistances soudaines aux propositions que l’Europe n’a, pas encore présentées comme des volontés formelles. Nous restons convaincus que l’accord final se fera de manière ou d’autre, parce que personne ne veut le renouvellement de la guerre, ni la Grèce qui aurait tout à en craindre, ni la Porte qui n’aurait rien de substantiel à en espérer, ni l’Europe qui n’a laissé se produire le premier duel que parce qu’elle était sûre de pouvoir l’arrêter lorsqu’elle jugerait le moment venu. La Porte cédera dès qu’elle aura reconnu que la volonté de l’Europe est vraiment unanime ; mais elle n’a pas eu, jusqu’à ces derniers jours, la sensation suffisamment nette de cette unanimité, et aux propositions qui lui avaient été faites elle a opposé des contre-propositions. C’est peut-être de sa part une simple manière de gagner du temps. Le bruit a couru qu’Abdul-Hamid avait été secrètement encouragé