Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 142.djvu/443

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

portions de la France sont solidaires et aucun des intérêts du pays ne saurait être sacrifié sans que la communauté tout entière en souffre. Le midi appauvri cessera d’acheter, de voyager, de dépenser, se dépeuplera ; il ne fournira plus ses contingens d’hommes et d’impôts. Qu’on y songe, nous avons perdu déjà trop d’inappréciables ressources en perdant l’Alsace-Lorraine ; nous sommes en deuil non seulement d’hommes courageux, robustes, patriotes, mais de travailleurs patiens, durcis, industrieux qui contribuaient, ouvriers et patrons à l’envi, au développement de la prospérité française ; si le Bordelais dépérit, un malheur de plus s’abattra sur nous ; nous aurons encore un membre de moins, ou plutôt nous aurons un membre malade, alors qu’il nous faudra lutter plus que jamais.


NOS CHARGES, NOTRE ROUTINE

Brûlons des étapes et concluons. Chacun par ses observations personnelles pourra suppléer à tant de témoignages du dehors ou de l’intérieur que nous aurions encore à invoquer.

On ne pourra le contester, les produits de l’Europe perdent leur prix à mesure que se développent les ressources surabondantes du monde ; nous devrons travailler de plus en plus pour gagner de moins en moins. Nos charges toutefois diminueront-elles avec nos ressources ? Tout est là. Si elles diminuent, l’équilibre de nos forces se maintient ; mais si elles augmentent ? Depuis quelques années la France a senti le danger et de grands efforts tendent à ralentir la progression de ses dépenses qui n’atteignaient pas deux milliards en 1869, mais que dix ans plus tard la guerre avait doublées. Nous n’en sommes pas moins en présence d’une situation très inquiétante : j’ai dû renoncer à calculer à quel chiffre s’élève le capital de notre dette ; la France ne sait pas exactement ce qu’elle doit ! On peut dire approximativement, en comptant les dettes de l’État, des départemens, des communes, que nous ne devons pas loin de 40 milliards. Ce qui est certain toutefois c’est que le service annuel de notre dette nationale absorbe seul aujourd’hui plus d’un milliard, sur un budget de trois milliards 413 millions. Le chiffre de nos dépenses militaires tend à être aussi élevé. Plus de la moitié de l’énorme total de nos charges est improductive ; et — ce qui se passe de commentaires — nos dépenses ont doublé alors que notre population