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contrefaçon. J’ai vu dans le port de Marseille, récemment, de très beaux paquebots japonais de 6 000 tonneaux. J’annonçais leur venue problématique il y a un an. Ils sont arrivés, organisés, font un service mensuel régulier entre l’Extrême-Orient et l’Angleterre en passant par Marseille, où ils prennent du fret à la place des nôtres et en apportent. Granville a reçu la visite d’une sorte de vaisseau-école, Borda de la marine marchande japonaise, qui est venu faire un voyage d’exploration sur nos côtes et vendre une pacotille. Ces visites ont beaucoup amusé nos populations. De même on a reçu à Stockholm avec bienveillance une mission d’ingénieurs japonais qui venaient admirer des fabriques d’allumettes ; on s’est réjoui de leur étonnement ; on leur a tout montré comme à des enfans. Six mois plus tard, les mêmes fabriques étaient installées au Japon ; et c’est avec leurs produits déjà qu’on allume son cigare sur nos « transatlantiques ».

Pour arrêter l’envahissement des importations japonaises, les États-Unis, la République Argentine, le Mexique, tous les pays d’origine occidentale qui ne sont plus pour nous les mêmes cliens qu’auparavant, mais qui sont cependant encore des cliens, élèveront de plus en plus les barrières de leurs tarifs douaniers ; et c’est encore une aggravation du mal qui nous menace. Nous en verrons tout à l’heure les effets. Nos concurrens aspirent à ne plus recevoir d’Europe que des capitaux, des professeurs, des artistes, des ingénieurs, des contremaîtres et, momentanément encore, des machines, des semences, des étalons : la doctrine Monroë est à la mode en Australie, dans l’Afrique australe, en Asie.

C’est à qui préconise, pour tourner les tarifs douaniers exotiques, l’installation d’usines européennes au loin et particulièrement en Chine : un industriel ayant monté à Lyon tout récemment une grande usine de tissage de soie, sur le modèle de celles qui ont fait dans ces dernières années à l’étranger la fortune de nos concurrens, j’ai entendu soutenir qu’il eût mieux fait d’aller l’installer à Shanghaï. Là, il eût probablement réussi en effet à substituer ses soieries aux nôtres, c’est-à-dire le travail chinois au travail français, mais il eût ruiné Lyon au lieu de l’enrichir ; il eût combattu avec nos rivaux contre nous, au lieu de combattre contre eux ; il serait revenu vivre enrichi dans son pays pauvre. Les Anglais ont entrepris ces opérations, et les Allemands après eux, et si les Français s’abstiennent, d’autres, malheureusement, prendront leur place. Mais ces calculs du plus