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fonte par jour, tandis que ceux d’Europe n’en produisent que 100, 150, 200 au maximum ; une aciérie lamine 1 500 tonnes quand nous en laminons 150 ; des machines extraient, chargent, déchargent toutes seules le minerai avec une rapidité prodigieuse : un seul excavateur enlève et charge sur wagons mille tonnes par heure ; un navire de 4 000 tonnes s’emplit en une heure, se décharge en moins d’une journée.

Il se passe dans un cercle élargi et dans des proportions bien plus inquiétantes, en Australie comme en Amérique et en Asie, ce qui s’est passé à nos frontières, en Europe, et ce que nous ne voulons pas voir. Nos produits sont évincés par ceux de nos concurrens et par ceux de l’industrie nationale que nous avons nous mêmes créée. Parmi tant de Français réduits à l’oisiveté, soit par la concurrence, soit par l’intolérance de nos préjugés ou de nos discordes, les plus énergiques finissent par se révolter et peuvent faire autant de mal qu’ils auraient pu faire de bien ; bon nombre d’entre eux s’expatrient. En Russie les métiers de Lyon que nous y avons introduits sont devenus les concurrens redoutables de nos soieries, comme ceux de Zurich, de Côme et des Etats-Unis, et un de nos agens a pu écrire : « Ce sont les fabricans français de Moscou qui, lors de l’enquête ouverte par le ministère des finances russes en 1890, ont demandé le relèvement le plus rigoureux des droits d’importation contre les marchandises d’origine française. Le droit pour certains articles de soie était de 18 roubles par poud. La douane russe proposait de l’élever à 32 roubles. La majorité russe de la chambre de commerce de Moscou demandait 48 roubles ; la minorité française proposa (il roubles. » Cela est fatal, un antagonisme s’établit entre l’industrie européenne et les industriels européens qui se sont expatriés ; ces derniers finissent par être à la tête de nos concurrens, comme les protestans chassés de France ont formé le noyau, l’élite de nos rivaux en Allemagne, en Suisse, aux Pays-Bas : comme ont fait pour d’autres motifs les filateurs anglais en Amérique ou aux Indes ; ou comme ces industriels suisses qui, après avoir créé des fabriques de soieries dans le Milanais, ont réclamé, en 1892, la protection du gouvernement italien contre la concurrence suisse !

L’Europe essaime ; et nous ne sommes qu’au début de l’expansion des activités qu’elle a suscitées dans le monde entier. Nos rivaux le savent bien. Le gouvernement du Canada considère comme un commencement seulement les merveilleux résultats de son