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peut-être en guerre. C’est enfin tout ce qui vous attend dans un monde nouveau, au milieu de gens dont la protection n’est pas sûre et qui, quoi qu’on fasse, en qualité d’amis vous rançonnent un peu comme feraient des ennemis.

Enfin, le septième jour, on arrive en vue de Palmyre : on découvre la ville à l’improviste au détour de la route encaissée en cet endroit, dans un pâté de collines. Cette petite chaîne dérive vaguement de l’Anti-Liban et lève ici la tête. La voie est bordée de grands et superbes tombeaux. A gauche, on aperçoit les restes d’un aqueduc gigantesque. Tout près, on peut se détourner du chemin et monter sur une éminence. De là, on embrasse le panorama des ruines. Elles apparaissent alors avec leur enceinte très marquée et souvent très haute ; et dans l’intérieur, on voit un nombre infini de colonnes debout, les unes indiquant des directions, les autres formant des groupes. Le périmètre presque ovale se développe du sud-est au nord-ouest. De ce côté la ville s’appuie au premier contrefort du massif d’où sort le voyageur ; elle s’y élève et y pose son acropole. Plus haut, en dehors des murs, est un fort bâti par les Turcs. A l’extrémité opposée, dans la plaine, c’est la masse énorme du temple du Soleil et plus loin les jardins.

M. Bertone a rendu compte de ce premier aspect dans une grande perspective qu’il exposait naguère à l’Ecole des Beaux-Arts et qui figurera certainement à un prochain Salon. Cette vue est caractéristique. Le ciel bleu foncé se dégrade à l’horizon. Les dunes, la ville, le désert sont inondés d’une lumière intense et mate. Au bout de la ville, les jardins d’un vert terni s’éteignent obscurs. Mais ce qui domine sur la terre, c’est un ton immuable, le jaune d’or pâli particulier au désert, couleur où le sable et le soleil se mêlent et que tachent seulement par petites places des ombres d’un violet très fin.

Les anciens, et particulièrement au IIe siècle le géographe Ptolémée, ont parlé des belles eaux de Palmyre. Il semble qu’il s’agisse d’une sorte de rivière. Mais elle a disparu et on chercherait en vain son lit desséché. Il n’y a plus maintenant que deux sources d’eau sulfureuse. Au pied du tertre où le voyageur est placé, la principale de ces sources sort de terre. Elle forme un ruisseau d’un mètre et demi de largeur, coule vers le sud et se perd après avoir donné la vie aux jardins. Il y a, plus loin, une autre fontaine moins importante ; à elles deux, elles font l’oasis. Voilà, je crois, la première impression ressentie par notre