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recevions des nouvelles peu agréables qui obligent la nation espagnole à montrer, comme elle le montrera, toute la virilité dont elle est capable contre toute espèce d’attaques et contre toute engeance d’ennemis. » Et le président du conseil communiquait les renseignemens, encore incomplets, qu’il avait : 1 000 soldats des troupes indigènes avaient fait défection : on comptait que les conjurés devaient être au nombre d’environ 4 000 ; 2 ou 3 000 des plus audacieux avaient attaqué les lignes qui défendent l’ample circuit de la ville de Manille, mais ils avaient été victorieusement repoussés. Cependant, le gouverneur général se hâtait de mettre sur pied un bataillon de volontaires formé d’Espagnols de la péninsule, d’Espagnols intransigeans, et il avait demandé au commandant de la station navale de lui prêter 500 marins. A Manille même, la garnison était plutôt faible : de troupes péninsulaires, il n’y avait qu’un bataillon d’artillerie à pied, et quatre compagnies d’infanterie de marine. C’était assez pour que la capitale ne courût point un sérieux danger : ce n’était pas assez, au contraire, « malgré la grande intelligence militaire du capitaine général et sa bravoure reconnue », pour restaurer la paix dans les îles. On avait envoyé un premier renfort ; s’il en fallait d’autres on en enverrait, sans limites, autant que de besoin[1]. Les choses en étaient là, ou du moins, c’était tout ce qu’on en savait à Madrid ; et ce n’était pas rassurant ; car, transposées du style officiel en langage ordinaire, ces déclarations de M. Canovas voulaient dire que Luzón était pleine d’insurgés et que le capitaine général était assiégé dans Manille.

Le gouverneur des Philippines était alors don Ramón Blanco y Erenas, marquis de Peña-Plata ; et sa « feuille de services » prouve que le président du conseil n’exagérait rien en vantant « sa bravoure reconnue et sa grande intelligence militaire ». Il s’était élevé de grade en grade jusqu’au sommet de la hiérarchie,

  1. Réponse de don Antonio Canovas del Castillo. président du Conseil des ministres, à la question de M. Lazaga, sur « l’altération de l’ordre public aux Philippines », dans la séance du Sénat du lundi 31 août 1896.