Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 142.djvu/325

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les franciscains en 1577 ; les dominicains en 1587 ; les récollets en 1606 ; les jésuites, après avoir été supprimés par Charles III, ne sont rentrés qu’en 1852.

Recrutés exclusivement parmi les Espagnols, ils ne s’enferment pas au fond de leurs couvens pour y vivre dans la prière et la contemplation ; ils occupent la majeure partie des cures paroissiales. Le reste, celles qui appartiennent en propre aux diocèses et, par exception, quelques-unes aussi de celles qui dépendent des ordres, est laissé au clergé séculier, presque exclusivement indigène. Les bénéfices n’en sont pas méprisables. Chaque fois qu’un naturel paye le demi-tribut de 7 fr. 50, le trésor de la province retient 1 fr. 25, à titre de Sanctorum, qui sont distribués aux curés des diverses communes, sans préjudice des droits de pied d’autel — pie d’altar — et autres offrandes coutumières. L’archevêque de Manille touche, de l’État, un traitement annuel de 12 000 duros, ou 60 000 francs ; les évêques de Cebù, Nueva Segovia, Nueva Caceres et Jaro, chacun 30 000 francs. Le chapitre cathédral de Manille reçoit plus de 170 000 francs, sans compter les proviseurs, les fiscaux, les notaires près les juridictions ecclésiastiques, dont quelques-uns touchent de 10 à 15 000 francs. Le haut clergé et le clergé des paroisses coûtent chaque année à l’Etat 3 500 000 francs[1] ; on cite des cures qui, tout compris, cette subvention de l’Etat, les droits, les bénéfices et le capital, valent 25 000, 50 000 et même 75 000 francs ; la plupart ne valent pas moins de 10 000[2].

Moines espagnols et prêtres indigènes rivalisent de zèle pour les desservir, mais ce zèle ardent des ordres, le ministère sacré ne l’épuisé pas et, maîtres de l’église, ils ne le sont pas moins de l’école. Quoi que l’on veuille étudier, théologie, jurisprudence, médecine, pharmacie ou notariat, il n’y a à Manille qu’un endroit où on l’enseigne, un grand séminaire des fonctions publiques : la Royale et pontificale Université de Saint-Thomas. Qui la dirige ? Son titre l’indique : les dominicains. Et qui est-ce qui

  1. Chiffres de 1886, d’après M. Montera y Vidal.
  2. Montero y Vidal, p. 176. On peut également consulter sur ce point, en se rappelant que l’auteur n’est pas exempt de partialité, un livre qui vient de paraître en français chez Stock, et dont le titre dit assez la tendance : Les Inquisiteurs d’Espagne, Montjuich, Cuba, Philippines, par F. Tarrida del Marmol.
    Suivant M. Tarrida, p. 299, les prêtres, aux Philippines, toucheraient par au « cent treize millions de francs quand l’État n’en touche que soixante-six ». Nous ne savons, au reste, d’où il a tiré ces chiffres dont il va sans, dire que nous lui laissons la responsabilité.