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Les « bons Allemands » n’hésitèrent plus. Ils s’indignaient moins, au demeurant, à la pensée de voir la France prendre le Rhin et le payer, qu’à celle de voir l’Autriche s’emparer de la Bavière et en chasser l’Electeur. Pour colorer leur retraite, ils en appelèrent aux princes et États, leurs mandataires. C’était déclarer le marché ouvert, car les princes et États n’avaient pour l’Empire qu’un culte de théâtre ; ils ne le respectaient qu’à l’état d’abstraction ; ils ne le défendaient que dans les protocoles. Chacun, en sa cour et dans sa chancellerie, ne pensait qu’à augmenter ses bénéfices et à diminuer ceux du voisin. Leurs envoyés, émissaires, courtiers, encombraient Rastadt et n’attendaient qu’un signe pour entrer en affaires. On les écoute, on les allèche, on mesure avec eux les lieues carrées, on compte les habitans, on suppute, on désigne les abbayes, les chapitres à séculariser. Les Autrichiens s’entêtent à réclamer, au préalable, les Légations, la ligne de l’Oglio, les îles du Levant ; au besoin, ils consentiraient à réduire le Pape à la banlieue de Rome. Les Français s’obstinent à exiger, d’abord, la cession de la rive gauche. Entre eux et les Autrichiens, rien ne s’arrangera. Mais les Prussiens qui ont vainement tenté de faire cause commune avec la cour de Vienne, et qui n’ont pu obtenir la confidence des articles secrets de Campo-Formio, sont pris de la peur, assez fondée, de sortir du congrès les mains nettes, mais vides. Ils se décident à reprendre, le 11 février, le propos avec les Français. Treilhard leur fait comprendre que, s’ils veulent être traités en amis, ils ont à faire leurs preuves. Le 14 février, leur parti semble pris. Ils avertissent la députation qu’ils sont prêts, s’il le faut, à « sacrifier la rive gauche au bien-être général, pourvu que tout soit prévu pour le bonheur des habitans et que le roi reçoive une indemnité suffisante. » La députation se lamente. Bade conseille de céder, Saxe propose une transaction, et, le 19 février, la députation offre la moitié de la rive gauche. Les Français refusent, mais pressent le Directoire de prendre son parti sur l’indemnité de l’Autriche ; sans quoi, écrivent-ils, elle paralysera toujours la députation.

Le Directoire, cependant, achevait ostensiblement l’installation du régime républicain sur la rive gauche. Le 19 février, l’agent français fit aux habitans de Mayence une proclamation qui s’adressait atout le pays et mettait fin à tous les rêves d’indépendance et de république cisrhénane. — Plus de clergé, plus de nobles ! Réunis en un seul pays, repoussez les signes honteux de