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ferait pas la guerre pour l’empêcher. Il faudrait alors tâcher de l’augmenter en puissance, en proportion de l’augmentation accordée à l’Autriche. »

Les membres de la députation avaient reçu leurs pleins pouvoirs et les avaient échangés, le 15 décembre, avec ceux des Français. Il fallait prévoir que l’Autriche continuerait de travailler en sous-œuvre, d’encourager les illusions, d’animer la députation à la résistance, de soulever des incidens jusqu’à ce que ses intérêts particuliers fussent réglés. C’est pourquoi Treilhard et Bonnier eurent, le 18 janvier, avec Cobenzl, une entrevue qui fait pendant à celle qu’ils avaient eue, en décembre, avec Gœrtz. Cobenzl avait des instructions de Thugut, datées du 6 janvier. Elles étaient de s’en tenir à Campo-Formio, mais si les Français exigeaient la rive gauche entière, de réclamer un supplément d’indemnité, en compensation des avantages qui seraient faits à la Prusse pour ses territoires. Les Français ayant, en effet, réclamé toute la rive gauche : — « Cette demande, dit Cobenzl, est contraire au traité de Campo-Formio. — Je ne le pense pas, répliqua Treilhard. — Mais, reprit l’Autrichien, nous sommes convenus des limites. — Oui, mais cette convention n’est nullement exclusive de la faculté d’en faire une autre avec l’Empire. — Il faut donc, riposta aussitôt Cobenzl, qu’aux termes de l’article 7, l’empereur obtienne un équivalent[1]. » Treilhard répondit qu’il en référerait au Directoire, puis Cobenzl reprit : « Vous vous êtes engagés à rendre au roi de Prusse ses possessions. — Oui, s’il les exige, mais nous ne le forcerons pas à les reprendre. — Au moins, il n’aura pas d’indemnité, vous l’avez garanti. » Treilhard esquiva la question, qui était embarrassante : le traité de Campo-Formio portait que la République, restituant au roi de Prusse ses possessions de la rive gauche, ne lui donnerait aucune indemnité ; il ne disait rien du cas où la France ne restituerait point ; mais le traité de Berlin stipulait, en ce cas, pour la Prusse une indemnité considérable.

« Mais alors, demanda Cobenzl, que donneriez-vous à la Prusse ? — Je n’ai aucune donnée sur ce point, mais il me paraîtrait bien prudent de se concerter avec vous et elle ; si nous

  1. « Art. 7. — Il est contenu… que si, lors de la pacification prochaine de l’Empire germanique, la République française fait une acquisition en Allemagne, S. M. l’Empereur, roi de Hongrie et de Bohême, doit également y obtenir un équivalent, et réciproquement… »