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Autrichiens, et qu’elle serait occupée le 30, par les troupes républicaines. Venise serait évacuée par les Français, en même temps que Mayence le serait par les Autrichiens ; mais elle ne serait remise à l’Empereur que quand la République serait entrée en possession des territoires de la rive gauche du Rhin spécifiés par le traité. C’était une grosse affaire pour l’Autriche, et elle aurait bien voulu en retarder, en atténuer le scandale. Mayence livrée à la France, l’Empire évacué par l’Empereur, comment parler de l’intégrité de l’Empire et comment nier, ce que tout le monde soupçonnait, qu’un pacte secret de partage accompagnait les articles patens de Campo-Formio ? Aussi Cobenzl essaya-t-il d’arracher à Bonaparte quelque promesse pour l’Italie. Mais Bonaparte ne voulut rien entendre, et, rompant brusquement, il annonça que le Directoire le rappelait à Paris, d’où il reviendrait bientôt, pour reprendre les négociations. Il n’en croyait rien, et personne ne se fit illusion sur son départ. La Revellière lui avait écrit le 26 novembre : « Le Directoire est impatient de vous voir et de conférer avec vous sur les intérêts majeurs et multipliés de la patrie… Il désire vous témoigner publiquement son extrême satisfaction, et être envers vous le premier interprète de la reconnaissance nationale. » La vérité est que le Directoire ne voulait pas lui procurer la gloire de donner à la République toute la rive gauche du Rhin ; il jugeait adroit de laisser à Bonaparte son traité incomplet, et de se réserver la popularité de la paix définitive. Les Directeurs, d’autre part, ne savaient ni n’osaient rien faire sans lui. Ils le trouvaient à la fois embarrassant et indispensable, et ils le voulaient toujours ailleurs que là où il était.

Son séjour à Rastadt, si court qu’il ait été, lui laissa une impression qui ne s’effaça plus. C’est sur ce premier coup d’œil qu’il jugea l’Allemagne et les Allemands et régla jusqu’à la fin sa conduite envers eux. Il vit à Rastadt l’Allemagne officielle ; il n’en connut, il n’en comprit jamais d’autres, les hommes d’Etat, les princes. Ce qu’il apprit d’eux confirma ce qu’il savait de l’histoire du Saint-Empire : histoire de défections, de rivalités, de démembremens. Un pays qui offrait à la guerre des cantonnemens à l’infini, à la négociation des moyens inépuisables d’échanges, trocs et indemnités ; un peuple de contribuables et de mercenaires ; des bourgeois et des paysans à pressurer, des soldats à enrôler, des évêchés et des abbayes à confisquer, des