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connaissance de tous les faits de haute criminalité qui appartiennent légitimement à sa juridiction ?

On comprend que, pour répondre complètement à cette question, nous devrions élargir singulièrement le cadre de ces études. Bornons-nous donc à formuler quelques principes.

Nous demandons que la correctionnalisation extra-légale disparaisse entièrement. Les magistrats qui la développent sans cesse obéissent, nous le savons, à de véritables nécessités et sont animés d’intentions excellentes ; mais il est mauvais qu’ils se sentent contraints à éluder une loi mal faite : il faut leur donner une loi meilleure.

À cette intention, il faut avant tout remanier profondément les divisions vieillies du code pénal de 1810. Nous ne pouvons plus nous contenter aujourd’hui d’une loi, qui, pour toute définition des infractions, se contente de nous dire : Qu’est-ce qu’un délit ? C’est un fait puni de peines correctionnelles. Qu’est-ce qu’un crime ? C’est un fait puni de peines criminelles.

Nous exigeons des divisions. moins empiriques, des analyses plus pénétrantes, et nous sentons fort bien qu’il serait nécessaire, par exemple, de mettre au rang des délits tel vol domestique insignifiant, et au rang des crimes tel délit commis par un récidiviste. Il faudrait, en un mot, faire de la correctionnalisation et de la criminalisation légales et établir ainsi sur un plan plus moderne la compétence du jury.

Mais cela ne suffira point.

Les transformations imminentes et, on peut bien le dire, la crise du droit pénal moderne, tiennent à notre tendance actuelle à individualiser les peines, à considérer l’agent plutôt que l’acte dans l’appréciation des faits de criminalité.

Aussi, en bien des cas, pour qualifier les infractions trouverons-nous insuffisante une classification légale, figée, hiératique, et bientôt surannée, si moderne qu’on la suppose.

Nous voudrions que la loi nouvelle, s’inspirant des doctrines heureusement appliquées en Allemagne et dans d’autres pays d’Europe, créât un instrument nouveau assez précis et assez souple pour savoir distinguer entre deux faits identiques en apparence, ou plutôt entre leurs deux auteurs, des différences profondes de criminalité, qui les désignent pour deux juridictions différentes.

Cette tâche délicate pourrait être confiée à la chambre du