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liberté et l’impartialité du juge le rend aussi plus fort pour assurer les droits de la défense sociale. Le président aura donc plus de vigueur et d’initiative ; il redoutera moins les résolutions personnelles et les responsabilités qu’elles engendrent.

On le verra rejeter du débat « tout ce qui tendrait inutilement à le prolonger, » et pratiquer hardiment des coupures dans ce scénario de la Cour d’assises que de fâcheux usages développent outre mesure. L’accusation et la défense, sous son action ferme et discrète, se décourageront d’amener à l’audience ces troupeaux de témoins inutiles qui préparent, en attisant les passions et les haines, l’appareil dangereux des incidens, des longues luttes oratoires. Et on ne croira plus, au XXe siècle, qu’il faut qu’une affaire, — pour peu qu’elle soit « une belle affaire », — ait au moins cinq actes et quinze tableaux comme un drame de l’Ambigu.

Dès l’ouverture du débat, le président veille à ce que l’attention du jury, toujours si précaire, soit concentrée sur quelques points essentiels. Au lieu d’engager la discussion par un interrogatoire long et passionné, il se réserve d’intervenir avec autorité après chacun des témoignages pour provoquer les explications de l’accusé[1]. L’acte d’accusation est réduit aux termes les plus simples… Pourquoi même lire ce document ? Ne suffit-il pas que le greffier donne lecture de l’arrêt de renvoi[2] ?

L’acte qui ouvre l’audience est un exposé du sujet de l’accusation par le ministère public. L’accusateur est dans son rôle en disant aussitôt ce qu’il entend prouver. C’est de son court exposé que les jurés reçoivent, après avoir prêté serment (ou fait, s’ils le désirent, une simple promesse), la première notion du problème qu’ils auront à résoudre.

L’accusateur a sa place au parquet, auprès de l’avocat et au-dessous du juge. Il est, comme ce dernier, un criminaliste d’expérience, fixé pour longtemps, à Paris du moins, à la Cour d’assises. On ne le voit pas, comme aujourd’hui, regretter « le civil, » aspirer « au civil, » et faire avec ennui et comme en pénitence un court service au criminel.

De bons esprits voudraient que la partie oratoire des fonctions du ministère public fût, comme en Angleterre, confiée par le gouvernement à certains avocats.

Ce système a de grands avantages, mais il est trop éloigné de

  1. Voyez la Revue du 15 mars 1896, p. 425 et suiv.
  2. Voyez la Revue du 1er janvier 1896, p. 135, 136.