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Éloignons avant tout le ministère public de toute ingérence dans le choix du président, de toute influence sur lui. Autant il est indispensable d’avoir en France un Parquet fortement constitué, autant il faut éviter que le juge soit atteint du soupçon, même injuste, d’être dans les mains du Parquet.

Or nous avons montré, dans la partie critique de ces études, comment peu à peu le ministère public est devenu maître de la désignation des présidens, de même que peu à peu on lui a abandonné la distribution des dossiers aux juges d’instruction. Il y a eu là tout un sourd travail d’empiétemens successifs et comme involontaires. Il faut remonter ce courant fâcheux et, à cet effet, abandonner d’abord la pratique actuelle qui confie le choix du président d’assises « au ministre éclairé par ses procureurs généraux. »

Treilhard voulait, en 1810, que ce choix fût laissé aux premiers présidens. On sait que cette solution, à laquelle le texte de la loi actuelle semble pourtant favorable, n’a pu prévaloir contre la manie centralisatrice qui a si souvent chez nous inspiré les gouvernemens. Elle était pourtant, en bonne justice, supérieure à la solution adoptée. Si j’étais accusé, je trouverais insupportable que mon juge fût choisi par celui qui m’accuse, et fort naturel qu’il fût désigné par un de ses pairs, juge inamovible et indépendant comme lui. Mais, objecterait-on encore que le premier président pourrait lui-même, dans l’organisation actuelle, subir de quelque manière l’influence de la Chancellerie et du parquet ? Il faudrait en ce cas revenir à la première rédaction de notre code criminel, c’est-à-dire à la désignation du président d’assises par la Cour elle-même.

Cette solution est la nôtre. Les raisons qui l’avaient fait écarter en 1810 nous semblent aisément réfutables.

Et d’abord est-il vrai, comme le pensait M. de Noailles, qu’en accordant cette nomination aux Cours, « le plus grand désordre, fruit de l’intrigue et de l’amour-propre, en eût été le résultat » ? Cette raison n’a guère plus qu’un sens historique. Sous le premier Empire, on n’avait garde d’oublier les émeutes parlementaires du XVIIIe siècle, et il semblait aux fondateurs de la nouvelle monarchie que, sous le prétexte d’une présidence d’assises, quelque brouillon ressemblant comme un frère à Duval d’Espréménil pût encore surgir de l’élection des Cours. Nous n’avons plus les mêmes craintes et peut-être aurions-nous une crainte