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car il y a des pays où tout le monde est bancroche, il ne faut pas le généraliser. Les statuaires de l’antiquité ont proscrit cette forme ; Michel-Ange, Raphaël, le Corrège, Titien ont fait de même. Si vous ne vous décidez pas, ajoute-t-il, dans les tableaux de la galerie où vous aurez des jambes arquées, à chercher des poses naturelles, c’est une chose très certaine que vous retirerez peu de satisfaction, ayant à compter ici avec des étourdis qui n’aiment pas ce qui contrarie leur sentiment. » Puis, après quelques autres critiques, que poliment il présente sous une forme dubitative, Peiresc, pour expliquer sa franchise, termine ainsi : « Vous avez voulu que je vous fisse un rapport en toute liberté; j’aurais cru manquer à ce devoir si je vous avais caché ce détail. Vous m’excuserez, j’en suis sûr, en faveur de mon affection et de l’opinion que je professe que les amis ne peuvent pas manquer de se rendre de pareils services les uns aux autres. » Nous ne possédons malheureusement pas la réponse faite par Rubens à ces observations. Mais Peiresc lui écrivait aussitôt, pour l’assurer du plaisir qu’il avait eu à lire ses raisons : « Qu’il aurait soin de se servir des idées du peintre, à sa première rencontre avec des critiques qui ne savent ce qu’ils disent. » De fait, le maître, dans la suite de son travail, ne tint aucun compte de remarques qui, il faut bien le reconnaître, étaient assez fondées. On peut, en effet, se convaincre de la disposition de l’artiste à exagérer, dans certains de ses personnages, cette courbure des jambes qui n’est justifiable ni au point de vue de la correction, ni au point de vue du style. Non seulement on en trouverait maint exemple dans la série de l’Histoire de Constantin, mais elle a persisté dans plusieurs compositions de la galerie de Médicis, notamment dans la figure d’Henri IV, soit dans le tableau du Portrait de la Reine, soit dans le Départ pour la guerre d’Allemagne. Malgré tout, les tapisseries de Constantin, dont notre Garde-Meuble possède deux suites complètes sortant d’ateliers différens, ont grande tournure et présentent dans leur ensemble un aspect très décoratif.

La place réservée dans le palais du Luxembourg aux peintures de la vie de Marie de Médicis s’étant trouvée plus considérable qu’on ne l’avait estimée d’abord, des dimensions plus grandes furent assignées à trois des tableaux projetés : le Couronnement de la Reine, l’Apothéose d’Henri IV dont le sujet fut réuni à celui de la Régence, et le Gouvernement de la Reine. Placées à l’une des extrémités de la galerie, ces grandes toiles devaient ainsi partager