celui des allumettes. Or il s’agissait, lorsqu’on a établi ce dernier, d’exproprier une industrie dont l’importance ne représentait pas la vingtième partie de celle des spiritueux. Faut-il rappeler la lamentable série de tâtonnemens, d’expériences mal dirigées, de dépenses imprévues, qui nous a conduits au régime actuel, c’est-à-dire à une fabrication déplorable, dont les produits inférieurs nous sont vendus plus cher qu’en aucun autre pays civilisé ? Ce monopole détesté n’a d’ailleurs été institué que par une sorte de fatalité et par une conséquence que n’avaient nullement prévue ceux qui établirent d’abord la taxe des allumettes. Celle-ci fut créée en 1871 par l’Assemblée nationale, occupée à chercher de tous côtés de nouvelles sources d’impôt. Le recouvrement du droit sur les allumettes fabriquées en France était assuré au moyen de l’exercice des fabriques et des débits par les employés des contributions indirectes. La fabrication et la vente restaient entièrement libres : toute boîte, tout paquet, devaient être revêtus d’un timbre ou d’une vignette de la régie. L’importation était autorisée moyennant le paiement des droits de douane et de consommation. Les allumettes exportées par les fabricans et les marchands en gros étaient affranchies de l’impôt.
Mais celui-ci fut loin de rendre les sommes prévues : au lieu de quinze millions, on en perçut cinq. La surveillance sur les établissemens producteurs, très nombreux et très disséminés, était difficile ; les fabrications clandestines se multipliaient. On crut ne pouvoir remédier à cet état de choses qu’en instituant le monopole de la fabrication et de la vente. La loi du 2 août 1872 attribua exclusivement à l’Etat l’achat, la fabrication et la vente des allumettes dans toute l’étendue du territoire. Le ministre des finances expropria toutes les fabriques existantes, au nombre de plus de six cents, ce qui coûta trente-deux millions, et concéda le monopole à une compagnie particulière moyennant une redevance annuelle de seize millions de francs, plus une redevance proportionnelle sur les quantités consommées au-delà de quarante milliards d’allumettes. Ce ne fut qu’au bout de trois ans de litiges, de complications et de difficultés de toute nature que la compagnie put, le 2 janvier 1875, commencer à exploiter effectivement son monopole. De telles plaintes s’élevèrent contre la rigueur des perquisitions ordonnées à sa requête, qu’en 1890, le gouvernement dut dénoncer le contrat et reprendre lui-même l’exploitation du monopole.