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féculentes. En résumé, le système a rallié la majorité des suffrages populaires parce qu’il promettait au peuple d’amener une diminution de la consommation ; parce qu’il laisse les vignerons libres de brûler leurs vins ; parce qu’enfin les distillateurs aiment mieux de beaucoup avoir la régie comme acheteur que comme surveillant ». On s’est proposé à la fois d’obtenir des recettes budgétaires et de favoriser les distilleries agricoles, buts contradictoires entre eux. Le revenu est de 5 millions de francs : si on multiplie ce chiffre par treize, puisque la population de la Suisse est à peu près le treizième de la nôtre, on trouve qu’un système identique rapporterait à la France 65 millions, le quart de ce que lui fournit aujourd’hui l’alcool. Au point de vue fiscal, la comparaison est donc insoutenable. Au point de vue hygiénique, l’administration de la régie suisse n’atteint pas les bouilleurs de cru, soumis aux seules lois cantonales, et laisse ainsi toute une catégorie de produits échapper entièrement à son action. Il n’y a donc lieu de tirer aucune conclusion, pour nous, de l’organisation adoptée par nos voisins.

L’Angleterre est le pays où l’alcool est le plus imposé ; il n’y paie pas moins de 477 francs par hectolitre. Pour assurer la rentrée d’un droit aussi élevé et lutter contre la fraude qu’il ne peut manquer de provoquer, la loi anglaise a institué une série de mesures très sévères. Les spiritueux acquittent le droit avant d’être expédiés aux marchands en gros et aux débitans, chez qui ils continuent néanmoins à être soumis aux vérifications de l’excise ; ils ne peuvent circuler par quantités supérieures à un gallon, soit quatre litres et demi, que sous le couvert d’un certificat. Les marchands en gros et débitans acquittent un fort droit de licence. La caractéristique de la législation anglaise, outre l’élévation du droit, est la sévérité des pénalités contre les fraudeurs, qu’elle frappe d’amendes allant parfois jusqu’à 12 500 francs. L’alcool rapporte encore un demi-milliard au budget anglais, malgré une certaine diminution de la consommation, dont les ministres de Sa Majesté ont pu dans les dernières années se féliciter.

Aux États-Unis, le tarif est de 245 francs par hectolitre et le système de perception repose, comme en Angleterre, sur l’étroite surveillance des distilleries : le produit de l’impôt est d’environ 300 millions de francs. Joint à celui de l’impôt sur le tabac, il suffirait à équilibrer les dépenses du budget fédéral si