Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 141.djvu/84

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus encore que les occasions de se produire, manquait à leurs successeurs. A Paris, François Fourbus, mandé depuis 1610 à la cour avec le titre de peintre du roi, avait bien pu, dans ses portraits froids et corrects, reproduire les images sèchement exactes des souverains et des grands seigneurs de son temps ; il échouait complètement, au contraire, dans ses essais de tableaux allégoriques, notamment dans une Minorité et une Majorité de Louis XIII, deux grandes toiles, aujourd’hui disparues, qui lui avaient été commandées pour l’Hôtel de Ville de Paris. Par une étrange coïncidence après avoir été réunis, Rubens et lui, au début de leur carrière, à la cour de Mantoue, ils se trouvaient de nouveau rapprochés à la cour de France. Mais tandis que Rubens entrait à ce moment dans sa pleine maturité, Pourbus s’éteignait, à peine âgé de cinquante-deux ans, et, le 19 février 1622, il était enterré à l’église des Petits-Augustins, peut-être le jour même où son glorieux compatriote quittait Paris pour retourner à Anvers.

On comprend qu’en présence de cette pénurie de talens, Marie de Médicis se fût adressée à Rubens et que celui-ci ne trouvât guère avec qui frayer parmi ses confrères. En revanche, la société parisienne lui offrait alors une élite d’esprits cultivés, alliant à une grande force de bon sens toutes les grâces et tout le charme de l’urbanité. C’est alors, en effet, que Rubens fit la connaissance personnelle de Claude Fabri de Peiresc, un des érudits les plus éminens et les plus aimables de cette époque. Né le 1er décembre 1580 à Belgentier, en Provence, Peiresc était presque du même âge que lui, et bien des affinités dégoûts devaient les rapprocher l’un de l’autre. Tous deux avaient séjourné en Italie pendant leur jeunesse et, en y prenant une pareille passion pour l’antiquité, ils avaient commencé dès lors à collectionner des marbres, des bronzes, des pierres gravées et des médailles. Libre, jouissant d’une fortune indépendante, Peiresc, après avoir terminé ses études de droit à l’université de Padoue, avait d’abord embrassé la carrière diplomatique. Nommé ensuite conseiller au parlement d’Aix, il partageait son temps entre cette ville, son domaine de Belgentier, dont il avait fait une sorte de Jardin d’acclimatation, et Paris où il comptait pour amis les de Thou, et surtout les frères Du Puy, bibliothécaires du roi, comme lui curieux de toutes les nobles études. Ayant depuis longtemps entendu parler de Rubens, il avait le plus grand désir de le voir.