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de Médicis à Henri IV, les entorses à la vérité s’accusaient plus marquées et plus vives. L’amour, on le savait assez, était complètement étranger au choix que le roi de France avait fait de sa future épouse. Quand, à la suite de son divorce avec la reine Marguerite, il s’était résolu à un second mariage, il avait un moment songé à l’infante Claire-Isabelle-Eugénie, gouvernante des Flandres, et « il se serait accommodé d’elle, bien que vieille et laide, si avec elle il avait épousé les Pays-Bas[1]. » Il eût bien voulu aussi que Sully pensât à Gabrielle d’Estrées ; mais ce qu’il appréhendait par-dessus tout c’était une alliance avec la maison de Médicis, avec cette race d’où sortait « la reine mère Catherine qui avait fait tant de maux à la France. » Cependant les obligations de toute sorte qu’il avait au grand-duc de Toscane et les sommes considérables qu’il lui devait l’avaient décidé à passer outre, et les longues négociations auxquelles donna lieu ce mariage, eurent surtout pour objet une augmentation de la dot de la princesse, suffisante pour remettre à flot le trésor royal. Une fois les accords faits, la fiancée toute à la joie des grandeurs auxquelles elle était destinée, avait eu un moment l’espoir de toucher le cœur de ce barbon qui approchait de la cinquantaine. Il se montrait, de loin, plein d’attentions. Voulant que sa fiancée fût habillée à la mode de France, il lui envoyait « des poupines » pour lui servir de modèles et, toujours gaillard, il la priait de prendre grand soin de sa santé pour que, dès son arrivée, « ils pussent faire un bel enfant qui fît rire ses amis et pleurer ses ennemis. » Mais l’illusion ne fut pas de longue durée. Quand, mariée par procuration à Florence, la princesse, après une traversée fort pénible, abordait avec sa riche galère à Marseille, sa déception avait été très vive de trouver pour la recevoir, non pas son mari, mais le chancelier, qu’il avait envoyé à sa place. A Lyon, où la cérémonie officielle avait enfin eu lieu, l’époux volage était déjà retombé sous la domination de ses maîtresses, et il allait bientôt infliger à sa nouvelle compagne la honte d’admettre à sa table, à côté d’elle, Henriette d’Entraigues. Ainsi commencée, la vie conjugale n’avait été qu’une suite de brouilles et de tiraillemens continuels.

On ne pouvait oublier, non plus, que le Couronnement de la Reine à Saint-Denis, que Marie de Médicis avait tenu à introduire

  1. Voir à ce sujet : Henri IV et Marie de Médicis, par M. Berthold Zeller; 1877.