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que je croyais alors que notre départ était subordonné à celui du Maréchal, qui ne quittera pas la Morée avant un mois et demi. Nous savons maintenant, positivement, qu’il ne garde pour escorte que la compagnie de sapeurs, et que nous rentrerons par le prochain courrier, qui mettra à la voile dans une douzaine de jours ; ainsi donc, en mettant tout au pire, c’est dans les premiers jours de juin que nous nous reverrons. Maintenant que la chose est décidée, je ne vois guère plus que la France…

… Je m’étais habitué à l’idée d’attendre le départ du Maréchal ; nous y aurions gagné de voir Malte, où nous aurions fait quarantaine de quinze jours seulement, et d’aller relâcher à Naples, où le Maréchal doit débarquer pour revenir par l’Italie. — Je me faisais une joie de voir Naples et d’aller arpenter la Strada San Giacomo, d’antique mémoire, et le Capo di Monte[1]. Cette occasion manquée, il y a gros à parier que j’y puisse renoncer ; au reste aurais-je éprouvé du plaisir à revoir tout cela ? j’en doute.

Adieu, ma très chère mère, je vais me mettre à me recueillir, pour me séparer ensuite, avec le moins de regrets possible, de cette pauvre Grèce, où-notre présence devient véritablement sensible, et où heureusement on s’est décidé à laisser une occupation militaire. Je lisais hier, dans les Débats du 27 février, une lettre à M. Eyrard, qui est sans doute de Capo d’Istria, et qui est, dans tous les cas, écrite par un homme de bonne foi et de bon sens…


Eugène Cavaignac à sa mère.


À bord du Rhinocéros, 9 mai 1829.


Ma chère mère,

Me voilà en vue de Marseille où nous mouillerons dans une heure. — Encore vingt jours de quarantaine, et nous serons libres…


EUGENE CAVAIGNAC.

  1. Où il avait passé quelques années de son enfance (de 1808 à 1812).