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politiques de Priezac ? qui se rappelle les noms de Jean de Sirmond, de Bourzéis, d’Hay du Châtelet ? Mais ils étaient alors dans toutes les bouches, et l’on n’est pas surpris qu’ils se soient tout d’abord présentés à l’esprit de ceux qui étaient en quête d’hommes de talent pour compléter l’Académie[1].

Avec ceux-là entrèrent quelques personnages qui appartenaient à l’administration et à la magistrature, des conseillers au Parlement, des avocats généraux, des maîtres des requêtes, des conseillers d’Etat. Ces fonctions étaient d’ordinaire occupées par des hommes très versés dans l’étude des lettres classiques et qui les cultivaient volontiers à leurs heures de loisir ; ils n’étaient donc pas déplacés à l’Académie. Dans le nombre se trouvait Abel Servien, le sous-secrétaire d’État de la guerre, celui qui négocia plus tard les traités de Westphalie. Tous ces gens-là, dont le nom est aujourd’hui moins connu, faisaient alors grand honneur à la nouvelle compagnie. Mais sa plus illustre conquête fut celle de l’homme qui occupait, après le cardinal, une des plus hautes situations dans l’Etat. Le garde des sceaux, Séguier, qui fut dans la suite chancelier de France, désira d’en faire partie. Voulait-il seulement flatter son maître en demandant une place dans la compagnie dont il était le protecteur ? Beaucoup le pensèrent, et le rusé courtisan était bien capable de cette manœuvre. Mais comme, après tout, il aimait les lettres, qu’il se piquait lui aussi de protéger les beaux esprits, qu’il en logeait plusieurs dans son hôtel, qu’il en admettait souvent à sa table, on peut croire qu’en souhaitant être compris parmi les Quarante, il ne faisait que suivre son goût naturel. L’Académie, on le conçoit, fut très fière de cette illustre recrue ; on décida que le nom de Séguier serait inscrit le premier dans le tableau à quelque distance des autres, et quelques années plus tard, lorsque Richelieu mourut, c’est Séguier que l’Académie élut à sa place comme protecteur ; il le fut pendant trente ans.

L’Académie était composée à ce moment à peu près comme elle l’a toujours été : il y avait des auteurs dramatiques, des poètes, des historiens, des orateurs, et, à côté d’eux, des publicistes politiques, — nous dirions aujourd’hui des journalistes, — des

  1. Un savant laborieux et bien informé, M. René Kerviler, nous a donné des renseignemens très complets sur les académiciens de la première époque, soit dans la Bretagne à l’Académie française, ou dans son volume sur le Chancelier Pierre Séguier, soit dans des notices séparées. Il s’est fait vraiment l’historiographe de l’Académie primitive.