Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 141.djvu/728

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rattache cette compagnie à la première Académie française, ou plutôt qui fait de l’une et de l’autre une même Académie. »

Au premier abord, quand on lit nos registres, on est tenté de penser que Morellet a pris beaucoup de mal et couru beaucoup de dangers pour peu de chose. Qu’y trouve-t-on en effet ? des procès-verbaux fort insignifians d’ordinaire et des listes de noms, parmi lesquels il y en a quelques-uns d’illustres et encore plus d’inconnus. Tout cela, il faut l’avouer, forme une lecture peu divertissante, et dont il semble qu’on ne pourra pas tirer un grand profit. Mais, quand on ne se rebute pas et qu’on regarde de près, les choses changent d’aspect. Avec un peu d’attention et d’étude, ces froids procès-verbaux semblent s’animer. Ils ne nous donnent pas seulement la physionomie extérieure des assemblées, le mécanisme des séances ordinaires, l’appareil des séances publiques, ce qui n’est pas à dédaigner ; ils nous permettent de deviner bien d’autres choses. Quelle que soit la discrétion des gens qui tiennent la plume, malgré leur parti pris de tout éteindre sous de banales formules, un mot qui leur échappe, une allusion, une demi-confidence nous font entrevoir ce qu’ils n’avaient pas l’intention de nous dire. Profitons de ces lumières intermittentes pour essayer de mieux connaître par quelles vicissitudes a passé, au XVIe siècle, cette compagnie qui tient une si grande place dans l’histoire des lettres françaises[1].


I

Pellisson nous dit que les procès-verbaux de l’Académie, qu’il a eus dans les mains, commençaient le 13 mars 1634, c’est-à-dire immédiatement après qu’elle eut nommé son premier secrétaire perpétuel. Mais, s’ils étaient rédigés avec beaucoup d’exactitude, il faut croire qu’on mit peu de soins à les conserver. Les premières années sont perdues, et il faut nous contenter aujourd’hui des citations que Pellisson en a faites ; mais avec ce qu’il en a tiré nous pouvons avoir quelque idée de la naissance et des premiers temps de l’Académie.

  1. Les Registres de l’Académie française forment trois volumes qui renferment les procès-verbaux et les listes de présence depuis 1672 jusqu’en 1793. Un quatrième volume, qui est sous presse, contiendra ce qu’on a conservé des registres perdus et d’autres pièces qui concernent l’Académie, avec une table des noms propres. L’ouvrage est publié par les soins de M. Marty-Laveaux, archiviste de l’Académie, qui l’a enrichi de notes savantes dont je me suis beaucoup servi dans cet article.