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semaines tout au plus, le retour dans leurs foyers des soldats de la réserve, qui sont encore retenus sous les drapeaux, fera naître la situation la plus grave. Ce sera l’armée du mécontentement qui refluera sur Athènes, et qui tout de suite y trouvera des cadres. Déjà le gouvernement hellénique s’est occupé de la dislocation et de la dispersion des irréguliers, espèces de francs-tireurs composés d’élémens nationaux et d’élémens étrangers, ces derniers venus de toutes les parties du monde. Il y a eu, assurément, des exemples que nous voulons croire nombreux de courage individuel donnés par ces soldats volontaires ; mais, dans l’ensemble, leur conduite a singulièrement désenchanté ceux qui avaient mis en eux leur confiance. Ils se sont surtout distingués par des exemples d’indiscipline et de pillage. Dieu veuille qu’ils ne se trouvent plus à Athènes lorsque la conclusion de la paix y renverra tant de soldats aigris par la défaite ! Ce sera le moment le plus difficile à traverser. Dès aujourd’hui, l’agitation des esprits a pris un caractère alarmant. Les étrangers venus à son secours, et dont la Grèce cherche maintenant à se débarrasser, ne sont pas les moins exaltés. Comment en serions-nous surpris, nous qui avons vu aussi tant d’étrangers jouer un rôle important à la suite de nos guerres malheureuses et pendant nos révolutions ? Les télégrammes d’Athènes nous ont apporté la nouvelle d’une très vive altercation, qui a eu lieu entre, le député italien de Felice et M. Ralli. Ce dernier aurait été finalement obligé d’appeler la garde, de faire saisir M. de Felice et de le faire conduire au Pirée sur un navire italien, avec ordre qu’on l’empêchât de remettre pied à terre. L’affaire n’en est pas restée là. Les garibaldiens qui se trouvaient au Pirée ont été émus de ce qu’ils ont appelé l’arrestation de leur compatriote, et ils ont essayé de le délivrer. Une rixe en est résultée. Finalement, le ministre d’Italie est intervenu, et, sous la promesse qu’il s’embarquerait à brève échéance sans provoquer de nouveaux incidens, M. de Felice a été remis en liberté. Singuliers défenseurs pour la Grèce ! Ils l’ont médiocrement servie pendant la guerre : ils menacent sérieusement de la troubler après. C’est dans les fermentations de ce levain révolutionnaire qu’est le péril de demain. Et M. Ralli prononce des paroles qui sont de l’huile jetée sur le feu !

Tout cela est bien fait pour inquiéter, et les puissances ne sont peut-être pas au bout de leur peine. M. Hanotaux a semblé d’ailleurs ne se faire aucune illusion à cet égard dans sa réponse à M. Gauthier (de Clagny). « La tâche, a-t-il dit, reste complexe ; elle sera lente probablement, et, plus d’une fois encore, troublée par le retour des passions et des entraînemens. Nous n’ignorons pas les difficultés que nous