voudrais que tu ne revinsses pas si vite. On parle toujours ici de votre prochain retour ou de votre envoi à Alger ; ce qui ne me plairait pas trop, — du moins à cause des inquiétudes de ma mère.
... Adieu, mon cher frère, je t’embrasse de tout mon cœur...
GODEFROY CAVAIGNAC.
Modon, 21 janvier 1829.
Ma très chère maman,
Je reviens de Coron où j’ai été passer un mois, ainsi que je crois te l’avoir annoncé dans ma dernière lettre, pour de petits travaux, pour lever la place et ses environs. Coron a été remis aux Grecs dès le principe. Il y a garnison de Tacticos et une population assez rassurante pour ceux qui n’ont encore vu que les mendians de Navarin. Les terres se défrichent, l’ordre s’établit un peu dans tout cela, et, si Capo d’Istria[1] vaut autant qu’on le dit ici, il est permis de croire que quelques années de paix changeront bien le pays. Je ne veux pas oublier de te dire que j’ai dîné et déjeuné chez le général Nikétas et que j’ai vu et touché le fameux sabre. Ce serait faire injure à une philhellène de ta force que de lui faire l’histoire de Nikétas et de son sabre. Je me bornerai donc à te dire que c’est un bien brave et bien bon homme, et que sa figure, quoique intéressante par l’air de souffrance qu’on y remarque, n’est pas celle d’un héros grec. Il serait à désirer, cependant, que tous les chefs grecs fussent aussi étrangers aux choses de ce monde. Je crois t’avoir dit que Nikétas était le seul honnête homme de la Grèce ; on gagne à voir du pays, car j’en ai. découvert un autre : c’est Canaris[2] qui est à Monembasie. Qui sait? en faisant le tour, on en trouverait bien quelques-uns encore. Fabvier est arrivé ici. Il est en ce moment à Poros. On ne sait ce qu’il fera. C’est l’espoir et la planche de salut des officiers européens. Si le Président ne l’accepte pas, ou si lui, Fabvier, s’en va, l’organisation militaire et régulière de la Grèce est indéfiniment ajournée ; et tout ce qui résiste encore à l’entraînement de la désertion des uns et de l’espèce