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que c’est aussi dans les premiers mois chauds que le génie travaille et que se font les grandes créations scientifiques. C’est au printemps que fut conçue la découverte de l’Amérique, celle du baromètre, du télescope, du galvanisme, des paratonnerres. A la vérité il accorde que Volta inventa la pile électrique au commencement de l’hiver 1799-1800, son pistolet à hydrogène dans l’automne 1776, que Leibniz employa pour la première fois le 29 octobre 1675 les signes d’intégration, que Davy découvrit l’iode en décembre, que Humboldt fit en novembre ses premières observations sur l’aiguille aimantée. Ce sont là des infractions à la règle. Elles sont si nombreuses que, de son propre aveu, si l’on s’en rapporte à ses tableaux, l’automne semble être une saison aussi propice que le printemps à la fermentation du génie. Au surplus, il confesse que toutes les découvertes de la physique moderne ont été le résultat de longues méditations, que partant il est malaisé d’en fixer la date, le moment de l’enfantement n’étant jamais celui de la conception. Il devrait en conclure qu’il y a beaucoup d’incertitude dans sa statistique ; il n’a garde, il se flatte d’avoir démontré que « les phénomènes météoriques » exercent sur les grands inventeurs la même influence que sur les fous.

Il a dressé d’autres tableaux pour établir que les hommes de génie naissent le plus souvent dans des pays de collines et presque jamais dans des pays malsains. « On s’étonnera peut-être, dit-il, qu’une dégénérescence telle que le génie se développe dans les lieux où l’air est le plus salubre. » Il ne s’arrête point à cette objection ; il nous représente « que s’il y a des microbes anaérobies, il y en a encore d’aérobies, et que bien souvent les dégénérescences, celles, par exemple, qui dérivent du goitre, de la malaria et de la lèpre, choisissent un terrain spécial. » Esprits durs, vous rendez-vous ? vous a-t-il convaincus ?

Ne reprochez pas à M. Lombroso « de construire des systèmes avec des exceptions. » Il vous répondrait « qu’il n’y a pas de vraies exceptions dans la nature, qu’en vertu de la loi binaire ou sérielle de la statistique, aucun phénomène ne se produit qui ne soit l’expression d’une série nombreuse de faits analogues. » On ne peut nier que certains hommes de génie n’aient fini par perdre la raison. M. Lombroso en a dressé la liste, et il s’est plu à la grossir, puisqu’il y a englobé Gounod, Ampère, Pascal, Jeanne d’Arc, Socrate, Schopenhauer et cent autres. Ne lui citez pas Galilée, Léonard de Vinci, Voltaire, Dante, Machiavel, Michel-Ange. Il vous dira que tous ont eu leur grain de folie, que vous êtes dupes des apparences, « que la seule différence des génies intègres se réduit en fin de compte à une moindre exagération des symptômes, à une