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groupe, sous une lumière habilement distribuée, un certain nombre de figures expressives, en de justes attitudes, avec des physionomies très caractérisées. Malgré un certain aspect jaunâtre et vieillot, dû à l’abus des tons sourds et ombrés, c’est un début très remarquable. M. Thaner est Américain.

Les étrangers, comme d’habitude, sont assez nombreux, et nous leur devons quelques bons exemples de peintures aussi bien exécutées que conçues. Le tableau, si simple et si poignant, de M. Struys, Consoler les affligés, est déjà populaire, et prouve une fois de plus combien il est inutile d’aller chercher midi à quatorze heures, quand on sait voir, sentir, comprendre et peindre. Dans un intérieur flamand, un prêtre, en soutane noire, est assis sur une chaise de paille, près d’une femme du peuple dont il tient les mains et qui pleure. Les figures sont de grandeur naturelle, serrées à l’étroit dans le cadre. Comme accessoires, quelques objets de ménage, au fond, sur un meuble ; les visages, tournés ou cachés, sont à peine entrevus : et c’est tout. Mais on sait combien M. Struys excelle à exprimer les sentimens, surtout le sentiment de douleur, par l’attitude et par le geste, et aussi par la gravité robuste de sa touche flamande, grasse, généreuse, colorée. C’est un modèle de composition et d’expression concentrée. On remarque, avec moins d’expression, des recherches de même ordre dans le tableau voisin d’un Espagnol, Triste Antesala, triste antichambre, l’antichambre d’un Mont-de-Piété, par M. Bilbao, dont le compatriote, M. Sorolla, nous donne, au contraire, dans la partie supérieure de son groupe d’Ouvriers cousant la voile en plein soleil, un des rares, trop rares spécimens de belle peinture gaie, vive, lumineuse, dans ce Salon mélancolique, si abondant en grisailles ennuyées.

N’exagérons rien cependant et, si nous en avions le temps, nous pourrions, parmi nos jeunes artistes, parmi les peintres de mœurs contemporaines, les portraitistes et les paysagistes surtout, relever un assez beau nombre de praticiens qui ne doivent nous laisser aucune inquiétude pour l’avenir, si, profitant de l’exemple de leurs devanciers, obstinés à leur tâche, renonçant aux à peu près, poursuivant la perfection, indifférens à la mode et aux bavardages, ils suivent résolument et franchement la voie où les pousse leur tempérament. Déjà chez quelques-uns, comme chez MM. Henri Royer (les Communiantes et le Portrait du Docteur S…), M. Saint-Germier (Confrérie dans le Baptistère de Saint-Marc),