Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 141.djvu/671

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mêmes occasions. C’est seulement par degrés que nous en pénétrons tous les détails, que nous saisissons et que nous comprenons tout ce qu’il a réuni de sensations accumulées dans les silhouettes et les masses fortement caractérisées de ses arbres, dans les dégradations multiples et savantes de ses terrains et de ses perspectives, dans les vibrations infinies et délicates de l’atmosphère fluide et de la pénétrante lumière.

C’est donc l’impression classique, dans le vrai et bon sens du mot. Or, l’on peut voir, par ces exemples typiques, combien elle diffère de l’impression fugitive et agitée, telle que la recherchent et la comprennent, par un légitime besoin de nouveauté et un perfectionnement logique de la vision, un certain nombre de paysagistes contemporains. Pour rendre la seconde, comme pour rendre la première, il faut, d’ailleurs, même lucidité d’analyse, même science des phénomènes, et une souplesse de main peut-être plus exercée encore. C’est là ce qu’oublient trop souvent quelques-uns de ceux qui se sont baptisés ou qu’on a baptisés du titre prétentieux d’impressionnistes, comme si la fonction essentielle des paysagistes n’avait pas toujours été de rendre, en la résumant plus ou moins, une impression reçue devant la nature ! comme si Ruysdaël, Claude Lorrain, Th. Rousseau, étaient moins impressionnistes que Van Goyen, Turner, Corot, parce qu’ils ont exprimé leurs impressions en un langage plus précis, plus détaillé ou plus condensé !

Voyons les successeurs immédiats de M. Français et de M. Harpignies, et nous les trouverons tous progressant avec la même sûreté, pour les mêmes raisons, si diverse que soit leur manière de voir. M. Vollon voit en brun où M. Harpignies voit en gris ; l’un montre autant de souplesse à couler ses pâtes de couleurs vives et légères, que l’autre met de rigidité dans sa touche nette et ferme. Mais, comme tous les deux apportent, en leurs études, autant de conscience et autant de science, les résultats sont identiques. Dans cette petite Vue d’un port de mer, par M. Vollon, quelle justesse d’impression et en même temps quelle exactitude de rendu ! Avec quelle précision légère, quelle sûreté délicate, sans une négligence, sans une insistance, toutes choses, constructions et navires, silhouettes et masses, solidités d’en bas et transparences d’en haut, sont indiquées, superposées, emmêlées et démêlées, dans un harmonieux accord de gris et de bruns d’une tonalité exquise ! Un peu plus loin, le Pouliguen, par