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d’assurance professorale. Ce n’est pas tout à fait le petit monde de Sèvres, et l’on y sent quelque chose de plus plébéien, quoique l’extérieur et la toilette soient les mêmes, avec le même fichu de laine, et le même négligé studieux. La leçon portait sur l’administration et la politique de Napoléon, et les jeunes filles écoutaient dans une attention profonde. On sentait un sujet brûlant, traité toutefois de haut, et devant un auditoire discipliné. Tout à coup, cependant, il y eut un rire brusque et sourd, une petite explosion d’ironie subite et contenue, à ces mots de la Constitution de l’an VIII : Le gouvernement de la France est la République, Napoléon est Empereur. « Education essentiellement démocratique et républicaine, m’avait bien dit Mlle Saffroy ;… vous ne le voudriez pas autrement !… » Et, commentant le Concordat, M. Melouzay, un instant après, appelait assez étrangement le clergé français « les prêtres de Christ », au milieu d’un religieux silence. Que pouvaient bien signifier ces « prêtres de Christ ? »

A la fin de la conférence, le professeur et la directrice restèrent quelques instans à parler de l’Ecole, et leur sollicitude pour elle, dans cet échange d’impressions entre deux portes, me parut encore plus vive que je ne l’aurais imaginée. Mais l’inquiétude, et une inquiétude assez vivo, en semblait le fond. Quelle femme devenait, dans la vie, la jeune fille sortie de leurs mains ? Quelle éducatrice, quelle missionnaire, formait le « Port-Royal » laïque, son enseignement républicain, et la contemplation de Jules Ferry ?… Ils avaient l’air, sans trop se le dire, tourmentés par l’incertitude de leur œuvre, et toute l’histoire de Fontenay semble être, effectivement, dans cette incertitude. C’est un roman dont le premier chapitre est beau, mais où quelque chose vous donne des craintes pour la suite.


IV

La loi sur l’enseignement primaire prescrit dans chaque département une école normale d’institutrices, et celle de la Seine est à Paris, boulevard des Batignolles. L’entrée est quelconque. Un bout de façade blanchâtre et bas, une lourde porte cochère toujours fermée entre des croisées à vitres ternes, et deux lettres de fer suspendues au-dessus de la porte, le R F percé de petits trous à gaz destiné à faire flamber le soir les initiales de la République, c’est tout ce qu’on voit sur la rue. Une cour pavée vient ensuite, avec un parloir au rez-de-chaussée de l’aile gauche. Parloir très