y sont même en nombre égal à celui des catholiques. C’est la note de la maison. On y compte aussi quelques israélites. Toutes, d’ailleurs, autant qu’en peut juger le visiteur qui passe, paraissent gaies, simples, actives, heureuses d’être là. J’en rencontre quelques-unes dans le jardin. Elles se promènent deux par deux, causant et se tenant par le bras, dans le vieux parc en gradins et en terrasses. En longeant un corridor, j’en aperçois d’autres dans une salle, à travers un grand vitrage, en train de suivre un cours ; on vient d’allumer le gaz, quoiqu’il fasse encore jour, et elles écoutent, en prenant des notes, le professeur dont on voit les gestes, mais qu’on n’entend pas parler. D’autres feuillettent des volumes dans l’immense bibliothèque, qu’égayent les boiseries Louis XV, et qui a comme une longueur d’avenue. Peu de coquetterie, et même pas de coquetterie du tout. Quelques-unes ont des binocles, quelques autres des tabliers, et toutes, ou presque toutes, un fichu de laine tricotée qu’elles serrent frileusement sur leurs épaules, avec un ébouriffement de grandes écolières, que la préoccupation de leurs études empêche de penser à être jolies.
Ce qui vous frappe le plus dans la maison, c’est l’air déjà ancien de l’Ecole, et son apparence de durée déjà longue, malgré son peu d’existence. L’un des défauts, et le défaut forcé de nos écoles normales de filles, est ce qu’elles ont, en général, de trop neuf, de trop frais, de trop peu essayé et mis au point, et, par conséquent, d’un peu problématique et inquiétant. On y éprouve l’espèce d’effroi ressenti par les personnes qui prenaient les premiers chemins de fer, et qui avaient peur d’y sauter. Cette sensation, on ne l’éprouve pas à Sèvres. Est-ce l’effet du local où l’on sent des souvenirs, des vastes corridors que leur vieillesse rend religieux, des escaliers, des salles et des murs séculaires, de tout ce qu’ont d’antique et de respectable l’atmosphère, l’aménagement et la sonorité de la maison ? Est-ce l’origine honorable, et de bonne bourgeoisie, des maîtresses et des élèves ? Est-ce le bon ton de la direction ? N’est-ce pas aussi un peu ce que contient de moralisant une culture intellectuelle vraiment élevée ? L’école n’a pas, quoi qu’il en soit, ce je ne sais quoi de cru, de non hérité et de sans lendemain, des autres écoles actuelles, et les jeunes filles, d’ailleurs, comme nous l’avons dit, n’y sont pas sans éducation, c’est-à-dire sans traditions. On entrevoit, dans leurs chambres, en passant dans les corridors, un crucifix, un rameau