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musée de Syracuse son quartier général, et partir de là pour rayonner dans toute la province. Partout on y trouvera les vestiges épars d’établissemens qui, comme le démontre le caractère des objets que l’on y trouve, ne datent pas de l’époque grecque. Or cette région est celle même que les Sikèles ont tout d’abord occupée, et, quand ils se sont repliés devant les Grecs, ils n’ont pas eu à se retirer bien loin ; ils sont restés en possession des massifs montagneux qui dominent tout ce littoral. N’ayant jamais su écrire avant de s’être mis à l’école de la Grèce, les Sikèles n’ont pas signé leurs ouvrages ; mais c’est le seul peuple dont nous devions nous attendre à relever ici la trace ; nous sommes donc en droit de lui attribuer la fondation de tous ces villages et de toutes ces nécropoles. L’hypothèse a de telles présomptions en sa faveur qu’elle équivaut presque à la certitude ; aussi ne fait-elle pas doute pour le sûr critique, pour le fouilleur habile et passionné dont les recherches ont procuré au musée de Syracuse les plus riches séries de monumens préhistoriques qui existent en Sicile et dont les travaux en ont donné un si précieux commentaire. Nous avons nommé M. Paolo Orsi.

M. Orsi, dont le nom restera désormais indissolublement attaché à celui de la Sicile, n’est pas un Sicilien. Né à Roveredo, dans le Trentin, il appartient, comme il le dit lui-même, à l’Italia irredenta ; on sait ce que celle-ci, dans ces derniers temps, a donné au royaume de serviteurs utiles, de fils adoptifs qui ont grandement honoré l’Italie. M. Orsi est aujourd’hui un homme de trente-six ans, d’assez haute taille et bien découplé. Sa physionomie n’est pas celle d’un savant de cabinet ; à première vue, on le prendrait plutôt pour un officier de cavalerie ; la tournure et le geste ont, chez lui, quelque chose de militaire. L’apparence n’est pas trompeuse. Causez avec lui, comme j’ai eu le plaisir de le faire, pendant trois jours entiers, presque du matin jusqu’au soir, et vous aurez de son mérite une forte impression. La netteté de sa parole traduit celle de son esprit, et l’on devine chez lui une volonté énergique, une sorte de vaillance naturelle. Il a fait, dans les monts de la Sicile, plus d’une campagne où il lui a fallu déployer les qualités de bravoure et d’endurance que, d’ordinaire, on incline à ne prêter qu’aux explorateurs qui fouillent hors de l’Europe, dans des pays plus ou moins troublés, tels que l’Asie Mineure, la Syrie et l’Afrique du Nord.

M. Orsi ne paraissait pas destiné, par les débuts de sa