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ennemi. L’indépendance des Sikèles est reconnue par le traité que Denys conclut en 405 avec Carthage ; mais Denys, aussitôt qu’il a les mains libres, entreprend plusieurs campagnes dans l’intérieur, et, par la force ou par la persuasion, il se subordonne la plupart des villes sikèles, dont plusieurs ont alors des tyrans à la manière grecque ; aussi le traité de 392 comprend-il les Sikèles parmi les sujets de Denys.

Peut-être faut-il voir le regret de l’indépendance perdue dans l’empressement avec lequel les Sikèles aident Dion à renverser Denys le Jeune ; mais c’est là, sauf erreur, la dernière fois que les Sikèles paraissent dans l’histoire comme distincts des Grecs. Dès la fin du ive siècle, il ne semble plus y avoir dans l’île que des Grecs, dont la culture est plus ou moins raffinée suivant qu’ils habitent Agrigente et Syracuse ou les villes de la montagne. Toutes celles-ci ont leurs monnaies, qui ne diffèrent de celles des grandes cités grecques que par leur moindre beauté. Les religions grecques se sont répandues dans toute l’île, s’attachant de préférence, pour y localiser certains de leurs mythes, aux sites où les barbares avaient eu leurs sanctuaires les plus vénérés. Des Paliques, on a fait les fils d’Héphæstos, et Déméter est devenue la déesse d’Henna, au centre d’une région où partout on voit, suivant la saison, les blés en herbe verdoyer ou les blés mûrs revêtir de l’or des épis tous les versans et jusqu’à la crête des collines. En même temps, on s’ingéniait à placer, dans le voisinage, sur les bords du lac de Pergusa, la scène du rapt de Perséphone par Aidoneus. Là et ailleurs des temples s’élevaient, construits à la mode grecque, où l’on consacrait les statues des dieux et des déesses de l’Olympe hellénique.

Dans la longue liste que dresse Cicéron des villes pillées par Verres, il y en a autant de sikèles que de grecques. La conquête romaine, opérée au n° siècle avant notre ère, n’avait plus trouvé en Sicile qu’une population d’apparence homogène. Ces habitans de l’île, dans quelque district qu’ils résident, les historiens grecs les appellent alors des Sikéliotes (Σιϰελιώται). Quant à l’orateur romain, dans le tableau qu’il présente des malheurs de la province, tous ses cliens sont pour lui des Sicules, c’est-à-dire des Siciliens. Le terme Siculi a perdu, dans sa bouche, toute valeur ethnique ; il ne relève plus que de la géographie.

Vers ce temps, l’idiome des Sikèles vivait-il encore, à l’état de patois, dans quelques cantons reculés de la montagne ? Nous