tenanciers, dans les armées, où leurs services étaient très appréciés ; ils s’étaient donc laissé pénétrer par la civilisation. Celle-ci avait éveillé chez eux des besoins et des désirs nouveaux, désirs et besoins qu’il leur était plus aisé de satisfaire en adoptant la langue et les mœurs de leurs voisins qu’en cherchant à les exterminer. Dès le Ve siècle, les séductions de la vie grecque, de ses lettres, de ses arts, de son industrie et de son luxe, avaient commencé d’agir, avec une irrésistible puissance, sur l’esprit des Sikèles, et, après l’insuccès de l’effort tenté par Doukétios, le mouvement alla toujours s’accélérant. Proches parens des Grecs, comme l’étaient ces Latins de Rome qui, eux aussi, céderont au même charme, les Sikèles, dans les conditions où ils se trouvaient placés par le contact et l’étreinte des cités ioniennes et doriennes, étaient voués à une prompte assimilation.
Cette assimilation était déjà très avancée quand mourut Doukétios. En veut-on la preuve ? Les Sikèles n’avaient pas pu ne pas être frappés des avantages que présentait, pour faciliter les transactions, l’emploi de la monnaie ; ils avaient compris quel honneur faisait à la cité cette pièce frappée à son nom, qui attestait son existence comme communauté indépendante. A l’imitation des Grecs, les Sikèles se mirent à battre monnaie. Nous avons des didrachmos de plusieurs villes sikèles : Henna, Morgantion, Galaria, Sargantion, qui, à en juger par la forme des lettres et le style de l’image, ne peuvent pas être de beaucoup postérieures à 450. Or tout y est grec, les inscriptions et les types. Il faut que, dès ce moment, l’usage courant de la langue grecque ait été répandu dans l’île tout entière.
Vers la fin du Ve siècle, Thucydide mentionne fréquemment les Sikèles, dont les Athéniens et les Syracusains se disputent l’alliance. Les Sikèles se partagent entre les belligérans ; la plupart d’entre eux se portent du côté que semble favoriser, pour le moment, la fortune, et l’on ne voit pas percer chez eux la pensée de mettre les circonstances à profit pour se soustraire à l’ascendant des Grecs ; ils n’y songent pas, même quand Syracuse, assiégée par terre et par mer, paraît tout près de succomber. Il en est de même vers la fin du Ve siècle, au cours des grandes guerres que Denys l’Ancien soutient contre Carthage. Si l’armée avec laquelle Hannibal marche contre Himæra, en 409, comprend 20 000 mercenaires sicanes et sikèles, c’est aussi ces mêmes montagnards qui forment le gros des troupes avec lesquelles Denys combat cet