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au gouvernement de la République de paternels, mais très sérieux avertissemens sur les tendances de la législation française en matière religieuse. Le cabinet de Berlin, pour offrir quelques satisfactions plus ou moins trompeuses au Souverain Pontife, attendait-il un acte de nature à amener une rupture entre la France et le Vatican ? C’est vraisemblable, car la diplomatie prussienne relevait volontiers la différence de procédés dont le Saint-Siège usait envers la République, hostile à l’Eglise, et envers l’Allemagne qui, tout en demeurant étrangère, au dire de M. de Schlœzer, aux passions antireligieuses, était l’objet des défiances de la Curie. Il était d’ailleurs évident que le prince de Bismarck, très soucieux de maintenir l’isolement de la France, devait attacher un grand prix à séparer la République du Saint-Siège et aggraver du même coup nos dissensions intérieures.

La situation du Saint-Siège vis-à-vis du cabinet de Berlin se présentait ainsi, au printemps de 1884, sous les aspects les plus contradictoires. A quelques jours d’intervalle on put croire successivement à la probabilité d’une prochaine entente et au danger d’une rupture. Cependant les questions de personnes s’éclaircirent alors un peu : le cardinal Ledochowski fut désigné comme secrétaire de la Congrégation des Mémoriaux, en remplacement du cardinal Chigi, qui venait de succéder, comme secrétaire des Brefs, au cardinal Mertel, devenu lui-même chancelier après la mort du cardinal de Lucca. L’éminent archevêque de Posen, pour suffire aux devoirs de ses nouvelles fonctions, allait être sans doute amené à quitter le Vatican et à se choisir, dans la ville de Rome, un domicile moins éloigné du centre des affaires. Ainsi finirait un état de choses dans lequel on affectait, à Berlin, de voir une intention blessante pour le gouvernement de l’empereur, Guillaume ne pouvant considérer le cardinal Ledochowski que comme un sujet rebelle, dont la haute faveur près du Saint-Père était en contradiction avec le désir, maintes fois manifesté par le Vatican, de faciliter le rétablissement de la paix religieuse en Allemagne. Le cardinal ne tarda pas en effet à venir s’installer au palais Antici, non loin de la chancellerie, siège de l’administration qu’il était appelé à diriger. De son côté, le Pape avait soin de faire savoir à l’empereur Guillaume que la charge de secrétaire des Mémoriaux étant, au point de vue canonique, incompatible avec le gouvernement d’un diocèse, la renonciation du cardinal Ledochowski à son siège de Posen serait acceptée aussitôt que M. de Schlœzer aurait