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bien que mal. A la fin de la promenade, toutes les voitures se réunissaient dans un carrefour de la forêt. Un souper était servi aux dames, sans qu’elles eussent à mettre pied à terre, et l’on rentrait assez tard à Marly. Parfois la promenade avait lieu sur l’eau. Le roi menait la Princesse dans les petits chariots jusqu’au canal qui était à l’entour du grand réservoir de Marly. Là, des chaloupes étaient préparées. Le Roi y faisait embarquer la Princesse et ses dames ; Dangeau, son chevalier d’honneur, l’escortait également. La promenade durait assez longtemps ; puis le Roi se remettait dans les petits chariots avec la Princesse, et se promenait sur les hauteurs de Marly jusqu’à la nuit. Ou bien, c’était sur le grand canal de Versailles que les chaloupes étaient préparées, et la Princesse mangeait en bateau une collation qu’elle avait apportée de la Ménagerie.

Parfois le Roi lui donnait aussi le plaisir de la chasse à courre. Pour qu’elle vît les chiens de plus près, il la prenait avec lui dans son soufflet, voiture légère à deux places, attelée de quatre petits chevaux que lui-même conduisait avec une grande adresse. Le duc de Bourgogne et les jeunes princes suivaient à cheval. On se retrouvait à l’hallali. A Fontainebleau, elle voyait prendre des sangliers dans les toiles, des faisans à la tirasse (au filet). On lui donnait aussi le plaisir de la pêche, et de son balcon le Roi s’amusait à lui voir prendre des carpes. Un jour il la mena à la Grande Écurie et la fit assister à la voltige des pages. Parfois aussi on lui ménageait quelques distractions plus conformes à son âge. On faisait venir à Versailles un joueur de gobelets ; on lui faisait tirer une petite loterie chez Mme de Maintenon, ou bien le Roi lui faisait don de marionnettes. Mais le plaisir habituel et un peu obligatoire, c’était la promenade avec le Roi lui-même, en voiture ou à pied, souvent par la pluie ou la crotte, et Dangeau hasarde, à ce propos cette réflexion singulièrement hardie pour lui : « La Princesse ne se trouve point enrhumée dès qu’il faut suivre le Roi[1]. »

Dans cette complaisance, n’entrait-il que de la politique, pour reprendre l’expression de Madame, ou bien un sentiment réel de reconnaissance et d’attachement y avait-il également sa part ? Consultons sur ce point un témoin avisé, d’un esprit plus caustique que bienveillant, qui a été fort mêlé à la vie de la Princesse

  1. Journal de Dangeau, t. VI, p. 79.