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lui fit voir beaucoup de fontaines qu’elle trouva admirables[1]. » Le mardi 13, il la conduisit à Marly avec toutes ses dames ; « on se promena fort dans les jardins et la Princesse en revint charmée. » Le 15, ce fut Meudon qu’on lui fit voir. Mais la promenade dans les jardins fut courte, parce que le temps était vilain. Dans les intervalles de ces promenades, on lui apprenait à remplir ses devoirs de princesse, et Dangeau ne manque pas de faire mention que certaines questions d’étiquette étaient tranchées d’une façon qui assurait son rang. Elle recevait la visite du roi et de la reine d’Angleterre (Jacques II et sa femme Marie de Modène), et elle avait un fauteuil comme la Reine. Quelques jours après, elle leur rendait visite à son tour, et la Reine lui avait fait préparer également un fauteuil. A Noël, elle entendit la messe de minuit pour la première fois de sa vie, et, quand elle fit ses dévotions, on lui donna l’ablution, c’est-à-dire qu’après la communion elle but, comme le prêtre, quelques gouttes d’eau et de vin. Or c’était là un cérémonial exclusivement réservé aux enfans de France. Enfin elle recevait solennellement en audience de congé l’envoyé de l’empereur du Maroc, Soliman Buluc Bachi, qui la comparait à l’Etoile du Matin, et lui demandait la permission d’aller apprendre son éclatant mérite aux peuples de l’Afrique[2].

Visites officielles et harangues étaient, pour une enfant aussi jeune, un passe-temps un peu sérieux. Il fallait aussi songer à son amusement, car elle continuait à aimer fort le jeu, et il n’était guère possible de toujours jouer à colin-maillard. On y avisa : « Le Roi dit ces jours passés à la Princesse que toutes les princesses avoient des ménageries à l’entour de Versailles et qu’il vouloit lui en donner une bien plus belle que celle des autres, et que pour cela il lui donnoit la véritable ménagerie, qui est la ménagerie de Versailles. » En effet, cette ménagerie devint un des lieux de divertissemens favoris de la princesse. Souvent elle s’y rendait seule avec ses dames, et s’y amusait avec elles à confectionner des gâteaux. Nous avons vu quelle était la composition de sa maison. Rien n’y avait été changé. Cependant il faut croire que les personnes dont on l’avait environnée, choisies seulement pour leur vertu, n’étaient pas d’une société très récréante, car le Roi désigna en plus un certain nombre de dames pour être,

  1. Dangeau, t. VI. p. 28 et passim.
  2. Mercure de France, décembre 1696.