Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 141.djvu/492

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’habile, et je n’ai cessé de désirer que Vos Altesses Royales puissent voir comment on l’a reçue, et à quel point le Roi et Monseigneur en sont contens. Il n’est pas possible de se tirer de cette entrevue comme elle l’a fait. Elle est parfaite en tout, ce qui surprend bien agréablement dans une personne de onze ans. Je n’ose mêler mon admiration à celles qui seules doivent être comptées, mais je ne puis pourtant m’empêcher de dire à Votre Altesse Royale que cet enfant est un prodige et que, suivant toutes les apparences, elle sera la gloire de son temps. Vos Altesses Royales me font trop d’honneur d’approuver que j’y donne mes soins. Je crois qu’il les faut borner à empêcher qu’on ne la gâte et à prier Dieu de bénir cet aimable mariage[1]. »

Cependant, pour entendre toutes les notes, il faut écouter, fût-elle un peu discordante, celle que va nous donner Madame, la seconde femme du propre grand-père de la Princesse, sans oublier que ce très spirituel et redoutable témoin des dernières années du règne avait l’esprit chagrin et la plume caustique. « Pour ce qui est de la Princesse, écrivait-elle à sa tante[2], elle n’est pas précisément très grande pour son âge, mais elle a la taille jolie et fine, comme une vraie poupée, et de beaux cheveux blonds en abondance, les yeux et les sourcils noirs, les cils très longs et très beaux, la peau très lisse, mais pas très blanche ; le petit nez n’est ni joli, ni laid ; la bouche est grande et les lèvres épaisses ; bref, elle a et la bouche et le menton autrichiens. Elle marche bien, a bonne mine et est gracieuse, très sérieuse dans tout ce qu’elle fait et très politique. Elle fait peu de cas de son grand-père, et nous regarde à peine, mon fils et moi, mais dès qu’elle aperçoit Mme de Maintenon, elle lui sourit et va vers elle les bras ouverts. Elle en fait autant lorsqu’elle aperçoit la princesse de Conti. Vous voyez par là combien elle est déjà politique. Ceux auxquels elle parle disent qu’elle est très intelligente. » Et dans une autre lettre : « Il est impossible d’être plus politique que la petite Princesse. C’est sans doute son père qui l’a élevée ainsi. Elle n’est pas belle du tout ; mais moi, je ne la trouve pas si laide que les autres. Elle est intelligente, c’est certain, cela se lit dans ses yeux[3]. »

  1. Correspondance générale, t. IV, p. 133.
  2. Correspondance de Madame, duchesse d’Orléans, traduction Jaeglé, t. 1, p. 138.
  3. Ibid., p. 140.