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les instructions qui luy seront données pour luy faire aimer ses devoirs. » Nous allons voir apparaître cette main habile, et c’est à travers une double vie, partie de représentation et partie d’éducation, que nous aurons à suivre la petite princesse jusqu’au jour de son mariage.


I

L’arrivée de la princesse de Savoie à la cour soulevait plus d’une question d’étiquette qu’il était nécessaire de régler sur-le-champ. D’abord, comment l’appellerait-on ? On se souvient que, lors de son arrivée à Pont-de-Beauvoisin, le Roi avait décidé qu’elle serait traitée en duchesse de Bourgogne, ce qui lui donnait le pas sur toutes les princesses ; mais il était difficile de l’appeler Madame la duchesse de Bourgogne, tant que le mariage n’était pas conclu. Le Roi décida qu’en conséquence on l’appellerait la Princesse tout court, et c’est ainsi que nous ferons désormais. En second lieu, quel genre de vie allait-elle mener ? Lui rendrait-on les mêmes honneurs qu’aux princesses mariées ? Aurait-elle une cour, tiendrait-elle un cercle ? Son âge ne le permettait guère. Serait-elle, au contraire, traitée en enfant, et tenue à part sous la surveillance de la gouvernante des enfans de France, comme les filles de roi lorsqu’elles n’étaient pas encore mariées ? Cela non plus n’était guère possible pour une princesse qui avait déjà dame d’honneur, dame d’atour, dames du palais, chevalier d’honneur et écuyer. Louis XIV s’arrêta à un moyen terme qui était depuis longtemps déjà décidé dans son esprit : « Je suis assez persuadé, écrivait-il dès le mois de septembre à Tessé[1], que ce prince (le duc de Savoie) conviendra avec moy que, dans un âge aussy peu avancé que celuy de la princesse sa fille, il n’est pas à propos qu’elle tienne une cour chez elle pendant la première année, et avant que le mariage soit accomply. Il a mesme un intérêt particulier d’entrer dans mes sentimens sur ce sujet. » Mais, pour la façonner aux usages de la Cour, il décidait en même temps qu’elle verrait du monde deux fois par semaine à sa toilette, les mardis et vendredis. En revanche, elle devait manger toujours toute seule, servie par la duchesse du Lude. Pour ses menus plaisirs, le Roi lui allouait trois cents livres par mois.

  1. Papiers Tessé. Louis XIV à Tessé. 9 septembre 1696.