aventureuse, laborieuse et réfléchie, a été brusquement, impitoyablement brisée en 1848. Il y a renoncé lui-même par un des actes les plus méritoires de sa carrière, aimant mieux l’exil pour lui que les agitations de la guerre civile pour son pays. La lettre qu’il écrivit alors au ministre de la guerre témoignait de sentimens dont il ne s’est départi à aucune époque. « Fidèle jusqu’au dernier moment, disait-il, à mes devoirs de citoyen et de soldat, je suis resté à mon poste tant que j’ai pu y croire ma présence utile au service du pays. J’apprends à l’instant par le Moniteur le nom de mon successeur. Soumis à la volonté nationale, je remets le commandement à M. le général Changarnier, jusqu’à l’arrivée à Alger de M. le général Cavaignac. Demain j’aurai quitté la terre française. » Il devait n’y rentrer que vingt-deux ans plus tard.
C’est ainsi que le Duc d’Aumale a toujours fait son devoir simplement, noblement, en citoyen loyal, en soldat discipliné ; mais on devine au prix de quelles angoisses secrètes ce fils de France, qui avait alimenté son patriotisme aux sources les plus pures et les plus profondes de notre histoire, accomplissait ces sacrifices et les couvrait d’un silence dont il n’est sorti qu’une seule fois. Les années s’étaient écoulées, ces longues années d’exil si lourdes à un cœur comme le sien. Il était rentré en France à la suite d’une guerre néfaste. Il avait retrouvé sa patrie, hélas ! mutilée, et il la servait de nouveau avec une affection plus ardente, s’il est possible, parce qu’elle était malheureuse et blessée. Ses vieux camarades le revoyaient avec joie ; d’autres, plus jeunes, s’attachaient à lui avec confiance et respect. Il avait donné d’assez éclatans témoignages de sa soumission à la loi constitutionnelle pour désarmer tous les soupçons. 11 n’avait pas le tempérament d’un conspirateur. Les voies obliques ne convenaient pas à sa franche nature. Son bon sens lui faisait accepter sans arrière-pensée toutes les nécessités qui s’imposaient à son pays. Mais, autour de lui, l’esprit de parti n’avait pas désarmé, et, dans les luttes confuses, où les coups portés de part et d’autre étaient mal mesurés et parfois portaient à faux, le Duc d’Aumale en reçut quelques-uns dont il souffrit beaucoup.
Un surtout le frappa durement. On lui enlevait son grade dans l’armée, et jusqu’à l’uniforme qu’il aimait à porter et qu’il avait contribué à illustrer. Alors une protestation amère s’échappa de sa poitrine, bien naturelle sinon légitime, et pour la seconde fois il dut quitter la terre de France et reprendre le chemin de l’étranger. Séparation douloureuse, déchirement cruel ; à l’âge qu’il avait alors, l’exil devait lui paraître doublement pénible. Heureusement, il ne devait pas être de bien longue