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Les pieds d’amandier qui parsèment les champs de la Provence sont toujours greffés. On leur fait porter tantôt des amandes à coque dure, tantôt des fruits à coque tendre. On range dans la première catégorie la variété dite « commune, » dont la « charge » (mesure locale encore usitée pour le commerce des amandes et valant 250 ou 260 litres)[1] vaut de 40 à 45 francs les années normales, et la variété « à flots », ainsi appelée parce qu’elle est très productive et que ses fruits sont agglomérés en petits bouquets. On classe dans la seconde les amandes « matheronnes », moins fines elles-mêmes que les « pistaches » ou « princesses » ; la coque de ces dernières est très mince et leur prix très élevé (jusqu’à 100 francs la charge), parce que les « princesses » se tassent mieux dans la mesure et fournissent moins de déchet. L’amertume peut être considérée comme un phénomène accidentel, spécial à tel ou tel arbre. Lorsque l’année est favorable et que les prix se maintiennent, un « à flots » jeune et sain en plein rapport peut rendre à son propriétaire de 15 à 25 francs. Il serait difficile de dire si les variétés fines tendent ou non à éliminer les variétés dures : on peut dire cependant que celles-ci, plus rustiques, résistent mieux, grâce à l’épaisseur de leur enveloppe, au bec des pies et à la dent des écureuils.

Pour en finir avec l’amandier, nous pourrions ajouter que l’arbre parvient à une vieillesse médiocre et qu’alors son aspect, déjà médiocrement agréable lorsque le pied est jeune, s’enlaidit de plus en plus. Sous l’influence d’une force occulte, le tronc se tord sur lui-même comme un câble; le centre se creuse et de grosses branches se dessèchent. Ce sont les symptômes avant-coureurs d’une décadence qui aboutit quelquefois à une mort subite, surprenant le végétal encore chargé de fruits. On prétend que partout où ont vécu de vieux amandiers, il est difficile d’en faire réussir de nouveaux. La solution de ce problème de physiologie botanique, jusqu’ici à peine étudié au point de vue expérimental, mériterait d’être creusée, et il se trancherait peut-être en définitive par une question d’amendement rationnel du sol.

  1. Dans le langage courant, le prix du blé s’estime toujours à la « charge ». La charge de blé, à Aix du moins, est plus petite que la mesure du même nom spéciale aux amandes et se compte à 160 litres.
    Au reste, pour le blé comme pour les amandes et toutes les denrées, l’usage de la vente au poids se généralise de plus en plus.