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d’années, les loups n’étaient pas rares dans le pays. On s’en assurait en voyant les troupeaux de brebis gardés par de superbes chiens blancs et noirs, de belle taille et de robuste appétit, capables de lutter avec avantage contre les bêtes féroces. Néanmoins les loups n’étaient pas précisément indigènes dans le terroir; ils sortaient des montagnes des Basses-Alpes et, à l’époque où les troupeaux, chassés par les neiges, quittaient les hauts pâturages de Barcelonnette, Digne, Castellane, pour descendre dans la Crau, le long des carraires, nos bêtes féroces suivaient le bétail, guettant toujours quelque bonne aubaine. Aucun obstacle ne les arrêtait, pas même les flots limoneux de la Durance qu’ils traversaient nuitamment à la nage. Mais peu à peu des chiens de moyenne taille remplacèrent les beaux animaux d’autrefois, et maintenant la sécurité est si grande que les brebis ne sont plus guidées que par d’affreux roquets, intelligens, bien dressés, mais qui, au point de vue pittoresque, font regretter leurs sympathiques devanciers. L’ordre des carnivores n’est plus représenté en Basse-Provence que par le renard, le blaireau et la fouine.

Si certaines espèces autochtones disparaissent des rives de la Durance, d’autres, naguère inconnues, s’y implantent de nos jours. De tout temps, on a tué des sangliers dans l’Estérel; mais depuis peu d’années, soit que leur race se soit multipliée outre mesure dans les cantons à chasse réservée, soit que des incendies trop fréquens les aient pourchassés au dehors, ces porcins ont envahi l’ouest du département du Var et, errant de bois en bois, se sont montrés dans les banlieues d’Aix, de Marseille et jusqu’aux approches de Salon. Il est à croire que leur race s’implantera pour longtemps dans le pays, étant données sa fécondité et sa résistance aux coups des chasseurs.

Parmi les rongeurs, le lièvre, assez commun jadis, tend à disparaître, victime de la légendaire passion des Provençaux pour la chasse. Race plus prolifique et plus malfaisante, le lapin soutient mieux la lutte pour l’existence, ainsi que l’écureuil, tout aussi répandu qu’autrefois. Pourtant l’intérêt du paysan le pousse à l’extermination de ce joli petit animal qui est très nuisible aux plantations d’amandiers du pays.

Comme oiseaux, outre le moineau, il en est un qui, dans la mo venue vallée de la Durance, pullule et domine au point de faire prévoir un jour l’entière disparition des autres volatiles. C’est encore un animal nuisible, un ennemi des amandes, la vulgaire