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mûrier à raison de son importance antérieure. Dans les hautes pentes, la végétation, quand elle n’est pas purement herbacée, se rabougrit un peu. C’est donc au pied des dernières ondulations que les arbres se développent le mieux. Le chêne blanc y atteint de fort belles proportions; à son défaut, le chêne vert, le pin d’Alep s’accommodent des sols les plus secs; si, au contraire, un peu d’humidité favorise le terrain, l’aube, l’arbre classique des bords du Rhône, étale son tronc blanchâtre aux sillons rugueux et épanouit son feuillage d’un vert lavé de tons bleus et gris. A ces plantations naturelles, la main de l’homme est venue, depuis plus d’un siècle, prêter son concours. Aux jours qui précédèrent la Révolution, alors qu’un vent de nouveauté soufflait sur tous les esprits enfiévrés d’amélioration, un conseiller au Parlement d’Aix, propriétaire intelligent, bon agriculteur, entreprit dans notre terrain les premières tentatives de reboisement. Dans le voisinage des lignes d’arbres déjà existantes, il sema des glands et organisa des plantations assez vastes, et malgré les temps troublés qui survinrent, en dépit de la dent des troupeaux, de l’incurie des paysans, des ravages causés par les neiges et les eaux torrentielles, son œuvre persiste encore dans son ensemble, curieux et encourageant exemple de ce qu’on aurait pu réaliser à peu de frais depuis longtemps, pour corriger la désolante nudité des coteaux du sud-est.

La nature du paysage et le contraste qu’il présente avec ceux du Var tiennent à la nature du climat local, froid et humide en hiver. Bien des végétaux qui, sous une latitude analogue et à peu de distance de la Méditerranée, prospéreraient en paix, disparaissent bientôt lorsqu’on les importe dans ce canton. Le laurier-rose ne saurait y vivre en pleine terre. Les palmiers de Chusan voient souvent leur existence compromise et bien des conifères exotiques ne tardent pas à succomber. Par compensation, le hêtre ordinaire, le bouleau même, dans les coins frais et ombragés, voisins des cours d’eau, peuvent croître et se développer sans toutefois se propager par semis. Il en est de même du pin sylvestre. Enfin, sur le flanc de la Trévaresse, non loin de la cime de cette chaîne, dans un pli de terrain exposé au nord, subsiste, à l’intérieur du parc d’une propriété privée, une petite « station » de hêtres spontanés, dernier vestige du climat quaternaire de la Provence.

Quant à la faune du pays, autrefois, il y a une quarantaine